Le Jour J - Jamais, tome 2
7.1
Le Jour J - Jamais, tome 2

BD franco-belge de Bruno Duhamel (2022)

Il vaut parfois mieux s’abstenir de tout jugement hâtif. Sous des dehors de comédie jeunesse humoristique, dans la pure veine traditionnelle du genre franco-belge, cette bande dessinée au format classique de 64 pages est plus moderne qu’il n’y paraît. Sous les gags aux airs de déjà-vu, derrière les situations improbables et souvent caricaturales, « Jamais » est bien en phase avec son époque.


Si l’on décide de ne pas s’arrêter aux rebondissements ubuesques de cette aventure très locale – qui se cantonne aux frontières du village imaginaire de Troumesnil dans une Normandie bien réelle —, on comprendra que le récit, pas si innocent, aborde des sujets d’une actualité brûlante, tant en matière environnementale que politique. Le noyau narratif étant la montée des eaux liée au réchauffement climatique, laquelle grignote la falaise où est perchée la petite maison de notre bonne vieille Madeleine résiste « contre vents et marées » aux injonctions du maire de déménager dans un lieu plus sûr. Mais pour elle, qui pète la forme du haut de ses 91 ans, ce « lieu plus sûr » se traduit par « maison de retraite », ce dont elle ne veut entendre parler à aucun prix. D’autant qu’étant aveugle, elle ne voit pas la menace. Elle, tout ce qu’elle veut, c’est rester peinarde chez elle, entre son chat Balthazar et les souvenirs de feu son mari. Et là, c’est le droit à la fin de vie digne qui est questionné.


Si la question environnementale ne sert « in fine » que de toile de fond, Bruno Duhamel balance, sans avoir l’air d’y toucher, plusieurs messages assez bien sentis. Il nous parle notamment d’un vivre-ensemble mis à mal sans nuance par des meutes hystériques qui trouvent en Facebook ou Twitter un porte-voix idéal à leurs frustrations.


Duhamel n’a pas non plus oublié d’être « inclusif » en évitant les clichés sur certains personnages. Des personnages plutôt bien campés que le coup de crayon assuré du dessinateur sait rendre expressifs. On peut également saluer le soin apporté à la mise en couleurs, dans des tonalités pimpantes.


Précisons que les deux histoires peuvent se lire de façon dissociée. Sans être exceptionnelle, « Jamais » recèle tous les charmes d’une BD jeunesse, d’une candeur louable et pas si cul-cul la praline.


LaurentProudhon
7
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le 17 déc. 2022

Critique lue 18 fois

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