Le temps des réminiscences et de l’introspection

Mon père va mourir…

Oui, d’ici quelque mois, mon père ne sera plus. L’occasion de réfléchir à ce qu’il reste à faire, le bon moment peut-être pour ouvrir cet album de Taniguchi, auteur que j’ai découvert il n’y a pas si longtemps avec une montagne magique. Mais là, ce sera moins léger, même si l’album évoqué ne l’était pas tant que ça. Là, on n’est pas dans le fantastique mais bel et bien dans le réel, le passé continuant d’exister en nous. Je pense au futur passé, je pense au présent pressé, et j’aborde donc cette lecture non sans arrière-pensées. Je dois faire moi-même le journal de mon père.

En fait, il s’agit ici davantage du journal du fiston que de son père : il est surtout question de ce garçon qui ne comprend pas la séparation de ses parents et qui vit le départ de sa mère comme un abandon tout en considérant son père comme responsable de cette rupture. L’album raconte l’histoire de cette famille à travers les yeux d’un enfant devenu grand qui revisite le passé de son père le jour de sa veillée funèbre. Ressurgissent peu à peu les souvenirs, puis apparaissent des éclairages nouveaux, au gré de ses efforts et de ses conversations avec des membres de sa famille, qu’il n’avait pas vus depuis longtemps, notamment son oncle.

C’est ainsi face au cercueil de son père que Yoichi réfléchit enfin à son passé qu’il avait refoulé, à son attitude, à ce qui s’est produit dans sa famille. Arrive alors, sans doute un peu tard, le temps des réminiscences et de l’introspection : c’est seulement maintenant que son père est mort qu’il apprend à le connaitre , qu’il le (re)découvre véritablement… Un peu tard donc, mais c’est tout de même salutaire.

On a là une histoire universelle, très bien mise en scène par Taniguchi, celle des rapports que l’on entretient avec ses parents, celle des choses qu’on n’a pas dites ou faites avant qu’il ne soit trop tard. La nostalgie, les regrets, les remords, les images qu’on gardera du passé. Le temps qui passe, le poids des contingences, les efforts qu’on ne fait pas, les visites qu’on repousse. C’est tellement plus simple d’esquiver, de s’échapper, et de trouver toujours une bonne excuse.

Les questions évoquées dans cet album me touchent au plus haut point. ; ce récit résonne en moi : qui suis-je, comment ai-je été avec mon père, que dois-je lui dire ? Ma situation n’est pas exactement la même que celle présentée ici, mes rapports avec mes parents seraient plutôt inversés par rapport à ceux de Yoichi, la rupture n’a pas été la même, et la douleur différente. Mais il y a quand même des points communs, ne serait-ce que l’éloignement géographique. Et de toute façon, les mêmes questions : que faire pour n’avoir rien à regretter, quand il sera trop tard ? Yoichi n’a pas vu venir la mort de son père. Je ne suis pas dans ce cas : pour moi, il n’est pas encore trop tard. Pas encore. Je dois faire le journal de mon père. Maintenant.
socrate
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le 6 févr. 2013

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socrate

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