Les voleurs de Carthage est un récit audacieux. Si on y pense, peu d'auteurs de BD ont osé s'aventurer hors des sentiers battus dans l'époque antique. Quand je dis les sentiers battus, je veux dire les Alix, Les Aigles de Rome, etc. J'adore ces séries, et je suis le premier à reconnaître leurs qualités. Mais elles se contentent de jouer sur la base du péplum : le motif de la conjuration est récurent, et les intrigues, souvent, jouent à imaginer ce qu'il s'est passé dans les zones d'ombre de l'histoire. Ensuite, sous prétexte qu'elles sont historiques, elles recourent à des dessinateurs qui se veulent réalistes. Enfin et surtout, elles ne s'intéressent la plupart du temps qu'aux grands personnages, les César et compagnie. Finalement, ça donne quoi ? Des histoires et surtout des personnages qui finissent par être stéréotypés.


Les voleurs de Carthage est donc une duologie audacieuse, justement parce qu'elle déploie une narration et un dessin complètement différents de ce qu'on connaît, sans pour autant renoncer à l'exotisme que peut nous inspirer la période. Les auteurs – en bons auteurs qui se respectent – se sont appropriés l'univers plutôt que l'inverse.


En général, dans les histoires d'Apollo, rien ne se passe selon le plan des protagonistes. À la place, ça part un peu dans tous les sens. Il aime bien jouer avec les codes de la fiction, qui voudraient que les héros soient chanceux, par exemple. Ici, ils sont chanceux et malchanceux selon les moments. Sinon côté historique, tout ce que fait Appollo est toujours bien documenté, et quand on sait à quoi ressemblaient les légionnaires des guerres puniques, c'est particulièrement agréable de les voir correctement représentés – dessin réaliste ou pas.


De même, le dessin de Tanquerelle n'est pas un graphisme auquel nous ont habitué les péplums. Pourtant, ça marche parfaitement. Il a des couleurs particulièrement réussies, contrastées et vives, un environnement brutal et non censuré. Il n'est pas le genre à représenter une vestale, bien que sublime, avec les aisselles rasées comme dans un Lanfeust – ce qui n'aurait pas de sens, et ne ferait qu'édulcorer le propos. C'est suffisamment rare dans les histoires grand public pour être signalé.


Pour terminer, preuve qu'ils ont réussit leur pari, dans Les voleurs de Carthage la grande histoire côtoie la petite de manière assez grandiose. Et dessiner la chute de Carthage, il fallait oser, quand on connaît la difficulté que posent les grandes scènes au dessinateur. Dans ce premier tome, celle des éléphants chargeant hors des remparts est particulièrement bluffante.


Pour finir, je suis d'accord avec Tanquerelle et Apollo : oublions le politiquement correct et faisons plus de bonnes histoires.

Mathieu_Péquignot
9

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le 14 févr. 2018

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