Les épisodes du "Casse" se suivent et ne se ressemblent pas. Autant le premier était tiré au cordeau, sombre et tordu, autant celui-ci présente un récit sans grand intérêt, ni en tant que partie prenante de la série "Le Casse", ni lorsqu'on le compare au flot de récits qui prennent pour sujet la mort de Jésus.

Les partis pris d'abord: deux personnages centraux seulement: Marie-Madeleine, qu'on nous assène carrément comme la femme de Jésus (Si ! Si ! Puisqu'on vous le dit !), et Jacques, frère de Jésus, un peu trouillard et benêt quand même. Tous les autres disciples de Jésus, que la tradition nous rapporte pourtant qu'ils ont été martyrisés en majorité pour leur foi, se sont défilés. Même Pierre, fondateur de l'Eglise chrétienne, n'est pas nommé. Jolie bande de lâches pour de futurs martyrs ! En plus, les Romains ne sont même pas méchants: ils font leur boulot en attendant la relève ou la retraite, et on insiste lourdement sur la volonté de Pilate de libérer Jésus (passage quasiment recopié sur Matthieu, XXVII).

Visiblement, tout cela est concerté pour mettre en valeur Marie-Madeleine, désireuse de retrouver son mec. De fait, ladite Marie-Madeleine est une femme de tête, qui met sur pied un complot quasiment à elle toute seule, et qui se termine d'une manière qui satisfera peu de monde...

Curieusement, Judas (on ne pouvait le zapper, lui), qui a la sale gueule qu'on peut lui voir sur les fresques de Notre-Dame-des-Fontaines, à La Brigue, est une sorte de Raspoutine halluciné, à qui Dieu parle indépendamment de ce qu'il dit à Jésus, et qui est confronté à Longinus, soldat romain connu pour avoir donné le coup de lance dans le flanc de Jésus. Cet archétype du salaud intégral est persuadé de servir le dessein divin en livrant Jésus à la mort.

Ce qui est insupportable dans cet album, c'est son bavardage interminable. Un dialogue, une mise en situation qui prendrait une planche avec d'autres scénaristes, s'étale ici sur quatre ou cinq planches, dont les dialogues pataugent sans progresser. Déjà, la première scène avec Pilate et la question de Barabbas aurait pu être utilement condensée; et puis la scène du complot entre Jacques et Marie-Madeleine, et le détournement de Longinus par Marie-Madeleine, et l'échange entre Longinus et Judas, et...

La seule scène traitée avec la concision nécessaire est celle du chemin de croix, de la crucifixion, de la mort et de l'ensevelissement de Jésus, originalement narrée par une croix de petites vignettes s'étendant sur quatre planches.

Par ailleurs, les dialogues font trop souvent appel à un langage familier ou vulgaire, sans qu'on en voie bien l'utilité. Réciter un formulaire grandiose sur l'Eternel dans une réplique et parler d'une bande de cons dans la vignette suivante produit de curieux effets. Cela conduit parfois à des anachronismes qui nuisent à la vraisemblance: que peut bien être une "bourgeoise" (planche 11) dans la Jérusalem de l'an 30 ? Longinus, soudard bien épais, sait tout de même ce qu'est une "équation" (planche 13); Marie-Madeleine, native d'une Palestine bien aride, nous parle de "geyser" (planche 31), puis projette de "se mettre au vert" (planche 39), comme un citadin harassé de notre siècle; les soldats romains se traitent entre eux d' "aminches" (la dernière fois que ce mot était employé sans rire, c'est dans "Les Pieds Nickelés"), etc...

Quant aux soldats romains, ils ont beau venir d'Italie et souhaiter y revenir, ils connaissent l' "Apocalypse" (si c'est celle de Jean, je signale qu'en 30, elle n'est pas encore écrite...) (planche 62).

Bon, il reste un assez joli dessin, et de belles perspectives sur des rues et des marchés de Jérusalem. Quant à ce qui se passera "le troisième jour", le lecteur en jugera. C'est peut-être là la seule habileté de ce récit.
khorsabad
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le 6 juil. 2011

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D'autres avis sur Le Troisième Jour : Jérusalem. 6 avril de l'an 30... - Le Casse, tome 2

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