Les Amateurs
7.4
Les Amateurs

BD de Brecht Evens (2011)

Mettre de l'Art là où il n'y en a pas, créer comme on peut

En 2019 Brecht Evens obtient le Prix spécial du jury du festival d'Angoulême qui récompense un album dont l’originalité ou les particularités ne lui permettent pas de concourir à un des autres prix.


Car il est vrai que sa technique surprend. Il use principalement d’aquarelles, mais aussi d’autres techniques, telle que la gouache. Ses albums sont colorés mais ses formes sont aussi un peu incertaines, avec toute la fragilité du trait du pinceau. Pourtant il arrive à donner à ses personnages suffisamment de traits pour les distinguer, avec quelques détails et l’emploi de couleurs qui leur sont dédiées.


Les couleurs se chevauchent parfois, donnant à son univers des planches parfois fantomatiques, composées d’esprits visuels. Ses décors peuvent se faire cohérents, rigoureux dans le respect des règles, ou au contraire être déformés par de nouvelles perspectives, éclairés d’aplats apaisants ou angoissants, selon l’atmosphère voulue.


Plonger dans un album tel que Les amateurs, l’un de ses premiers parus en France, c’est se retrouver enveloppé d’une esthétique particulière, avec l’impression de découvrir un nouveau monde, où l’encrage est banni pour ne garder que ces formes hypnotiques de couleurs.


Mais l’exploration n’est pas que visuelle, elle passe aussi par le sens de cet ouvrage.


L’idée de départ était pourtant intrigante, avec Pieterjean, cet artiste contemporain blasé de sa vie urbaine qui accepte une résidence dans une petite ville de Province. L’enthousiasme de l’organisateur, Kristof un gros bonhomme affable, cache mal l’amateurisme de la biennale d’art prévue, où finalement seul le narrateur est vraiment reconnu. Autour de lui coexistent un homme avec de lourds problèmes psychiatriques, obnubilé par les spirales, un autre avec de sérieux problèmes de confiance, un autre plus artisan qu’artiste et une jeune femme qui couvre l’événement pour la presse locale.


Le dépaysement est donc total, loin des artificialités de la ville et de l’art contemporain, pour un séjour dans un territoire, avec des personnes investies pour apporter au lieu un événement, pour faire exister cet endroit. L’enthousiasme va se former autour de Pieterjean, et de son projet monumental, un nain de jardin de plusieurs mètres.


Pieterjean, rempoté, va donc pouvoir panser les plaies de son égo, mais au fil des pages va aussi se retrouver emporté par son élan, avec peut-être quelques pointes de vanité et de désirs personnels, à l’image de cette liaison avec la journaliste, bien plus jeune que lui.


Les événements avancent donc vers la conclusion, entre espoir et amertume, mais en regrettant un certain flottement des psychologies, avec quelques portraits composés de quelques traits de caractère, et pas un de plus. La simplicité de chacun déçoit, enfermés dans les portraits esquissés dès leur première rencontre.


Brecht Evens ne juge pas, il raconte, laissant le soin à un lecteur un peu désemparé devant l’imprécision des comédies humaines jouées de se faire un avis. Que retenir alors de ce retour à la nature un peu bricolé, où les bonnes intentions ne suffisent pas ? Tout semble trop vite survolé.


Alors restent les images. Qu’on choisisse que le texte soit simple, flou ou ouvert, il reste ces planches magnifiques, créant un monde unique, dont on s’étourdit de l’audace. L’histoire était prometteuse, son sens est décevant, mais sa mise en application relève d’une maîtrise audacieuse.

SimplySmackkk
6
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le 18 nov. 2021

Critique lue 66 fois

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