Voilà j'utilise cet album pour exposer quelques réflexions sur cette saga que j'affectionne particulièrement même si j'avoue qu'au fil des décennies une certaine lassitude m'amène à la délaisser un peu.

Éléments de critique externe :

La série est publié par le magazine « Spirou » en remplacement de Lucky Luke parti pour le magazine « Pilote »

La série connait deux dessinateurs successifs :

– de 1968 à 1973 Louis Salvérius

– depuis 1974 Willy Lambil

Le changement de dessinateur, dû au décès de Salvérius, n'affecte pas profondément le contenu de la série. Le resserrement du nombre des protagonistes de la série s'éffectuant dès le 3° opus de la série. Le changement de graphisme du comique vers un semi réaliste est une initiative de Salvérius qui semble également avoir influencer sur le parti pris de départ de la série de refuser le modèle héroïque de l'histoire blanche .

La publication en album pose quelques problèmes de datations, les épisodes 9 “La grande patrouille” et 10 “Des bleues et des tuniques” correspondent à une reprise des histoires courte paru dans Spirou en 1968. Selon le scénariste R. Cauvin la série ne trouve son style véritable avec “Du nord au Sud” qui le premier évoque le guerre de Sécession et propose une histoire complète .

Le décalage temporel entre parution en revue et édition en album semble au début avoir été important.

Éléments d'analyse :

Comme la série “Comanche” qui apparaît à la même époque dans la revue concurrente « Tintin » « Les tuniques bleues » témoigne de l'évolution du western dessiné.

– Les protagonistes principaux se présentent comme le contrepied du modèle héroïque traditionnel

– La plupart des épisodes se déroule dans le cadre de la guerre de sécession.

– Un épisode met en scène des noirs luttant dans l'armée nordiste (« Black face »), tout au long de la série les auteurs ne manquent pas, tout en fustigeant la guerre et le militarisme, de souligner l'injustice faite aux noirs.

L'originalité de la série réside dans le fait qu'elle occupe, dans le phénomène de renouvellement du western dessiné le créneau de la série humoristique tandis que d'autres séries western de la même époque (fin des années 60 / années 70) « Comanche » « Mac Coy » « Jonathan Cartland », s'ancre dans le réalisme.

Le comique de la série s’effectue par le renversement caricatural des clichés héroïques.

– Le courage du sergent Chesterfield résulte de sa bêtise

P. 7 : "Blutch, vous connaissez mes principes !... Il vaut mieux retrouver un héros mort qu'un déserteur pétant de santé !..."

– La voix de la raison s'incarne dans le caporal Blutch qui ne songe qu'à sauver sa peau en désertant l'armée.

P.21 "J'essaye de survivre voilà tout !..."

On peut voir dans l'émergence, et le succès, de cette série l'écho de l'antimilitarisme qui anime les années 70.

La critique de la guerre est radicale, alors que dans la série Lucky Luke la guerre de sécession n'est jamais évoqué et que les guerres indienne sont tourné en dérision. Les Tuniques bleues mettent en scène une image de la guerre totale qui vampirise l'ensemble de la série dont la seul fin semble être de permettre aux imbéciles d'exercer leur pouvoir. Même si le sang est assez peu représenté les horreurs ne sont pas nié comme en témoigne les multitudes de cadavres qui jonchent les champs de bataille. Plus encore que la guerre les auteurs s'emploient à fustiger l'hypocrisie sur laquelle le pouvoir s’appuie pour assoir sa domination. Toute autorité (de celle du sergent à celle du général en chef) apparaît comme suspecte.

La série semble reprendre la tradition du comique troupier en décrivant la vie des quotidienne des soldats par le petit bout de la lorgnette mais ce comique n'est pas conçu pour conforter l'institution mais pour en souligner l'absurdité et même la perversité. Ainsi le comique de la bataille (pages 28 à 32) où les soldats des deux camps couverts de boues en son réduit à se taper dessus au hasard, révèle par le grotesque toute l'absurdité de la guerre. La dernière case, toute en longueur de la page 28, montre les soldats hébété complètement désorienté peinant à se redresser comme s'ils s’extrayait de la terre, quand le clairon sonnant la retraite leur ordonne de revenir au camps.

L'épisode "Outlaw"

Ainsi l'épisode "Outlaw" mets en scène une entente entre généraux nordistes et sudiste pour anéantir des bandits mexicains qui perturbe leur guerre, l'enjeu idéologique du conflit apparait ainsi très sujet à caution, la guerre n'ayant pas d'autres finalité qu'elle même et ne servant qu'a entretenir le pouvoir de ceux qui en profite.

Notons au passage qu'à la fin de l'épisode Blutch s'entend avec un sudiste pour faire canarder le général et son état major. La guerre n'a pas plus de finalité chez le troupier que chez le général.

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le 15 oct. 2022

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