Icônes de la BD underground depuis les années 1960, les Freak Brothers reviennent en France par le biais d’une nouvelle édition chez Revival, si attachée à la diffusion du patrimoine de la bande-dessinée.

Phineas, Fat Freddy et Freewhelin’ Franklin sont ainsi trois glandeurs, des hippies plus occupés à en faire le moins possible qu’à changer le monde, jamais bien loin d’un peu de drogues. Des anti-héros finalement attachants que Gilbert Shelton et ses collaborateurs emploient dans un monde cynique, à l’ironie certaine, toujours prêt à se moquer des autorités et des conventions sociales qu’elles qu’elles soient. Ce n’est pas le pied dans la gueule à la face du monde, mais bien l’humour drolatique du pied dans le potage et qui n’a rien à faire là.

La majeure partie de ces histoires de glandus opportunistes et vaguement débrouillards prend place dans des récits courts et confinés à leur appartement misérable et leur entourage proche. Revival prend le parti de commencer cette intégrale avec une aventure longue, The Idiots Abroad/Les Idiots se font la malle publiée initialement entre 1984 et 1989. Une histoire ambitieuse et rocambolesque où le trio décide d’aller à Bogota pour acheter de la drogue moins chère. De péripéties en mésaventures, chacun va se retrouver séparé à travers le monde, l’un atterrissant sur un navire pirate, l’autre dans un camp révolutionnaire ou encore s’ingérant par malchance dans un conflit entre l’armée et une faction terroriste, où le tout culminera avec un nouvel ordre mondial politique et religieux où Shelton et Mavrides usent à donf' de leur goût pour la satire contre tout establishment.

L’aventure est menée à tambour battant, avec une hystérie parfois excessive, où l’auteur semble plus être sur la prise de coke que la fumette, même s’il reste terriblement drôle dans ses dialogues et quelques situations farfelues rencontrées par les Freaks Brothers. Shelton se donne à fond aussi dans le dessin, dans son style un peu grotesque et fouillis, mais qu’il maîtrise encore plus ici, il a tout de même fallu 5 ans pour que les trois épisodes sortent. Il est même conseillé de parfois renoncer à se laisser entraîner par le rythme, pour mieux apprécier les nombreux détails de ses planches en couleurs.

Une histoire du Chat de Fat Freddy complète l’album français. Le félin en question est celui d’un des protagonistes, observateur parfois amusé parfois désabusé de cet univers de glandeurs, et qui a eu l’opportunité de vivre ses propres aventures dès 1969, quasiment en même temps que le trio star. Le récit présenté est un complètement à la grande aventure de ce tome 1, où le Chat raconte à des congénères félins comment l’appartement s’est retrouvé envahi par des cafards suite au départ du trio pour Bogota. La division entre cafards capitalistes et cafards communistes et toute la mauvaise foi de leurs dirigeants et la bêtise des insectes qui les suivent offrent l’occasion aux auteurs de s’amuser encore avec la politique mais ici à l’échelle de blattes intelligentes mais minuscules.

Ce premier tome prend ainsi le parti de commencer son intégrale par cette histoire longue, Les Idiots se font la malle, et l’annexe du Chat de Fat Freddy, tout en mettant en avant une préface inédite, son travail de numérisation, sa nouvelle traduction et promet de nombreux inédits. La démarche semble ambitieuse, même si ce n’est pas la première fois que les Freaks Brothers et leur chat sont édités chez nous, grâce notamment aux efforts soutenus d’Artefact ou de Tête-rock underground entre les années 1980 à 2015.

Il faut saluer la démarche de Revival de vouloir remettre sur le devant de la scène les créations de Gilbert Shelton, un des phares de la bande dessinée alternative américaine aux côtés de Robert Crumb ou Trina Robbins. Mais est-ce que cette aventure qui les éloigne de leur zone de confort et aussi de ce qui en a fait leur identité n’est-elle pas un trop grand pas de côté par rapport à leurs courtes histoires habituelles qui se déroulent dans leur quotidien de glandeurs ? Même eux semblent s’en étonner dans la dernière page, « en guise d’explication... ».

Si Revival avait assumé de commencer cette intégrale par une longue histoire en couleurs (beaucoup des comics des Freaks sont en noir et blanc) et qu’on imagine plus attractive pour le grand public, pourquoi pas, puisqu’il faut bien le faire venir à ces Fabuleux Freaks Brothers. Mais la quatrième de couverture et leur communication sur les réseaux sociaux indiquent : «  ce premier tome d’un ensemble unique de réeditions des Freak Brothers regroupe les premières histoires du trio, publiées entre 1968 et 1972. » Or on n’a pas affaire aux origines attendues de ces anti-héros, à la découverte et à l’affirmation de leur style, on saute direct à une grande aventure qui date des années 1980. Bien modestement, je leur ai posé la question de cette communication mensongère, à cette date je n’ai pas eu de réponses.

Cette petite entourloupe éditoriale sur ce premier tome reste agaçante, mais nous pourrons retrouver dans leur « jus » ce trio hilarant de la loose dans les volumes suivants, quatre supplémentaires sont annoncés entre 2025 et 2026.

SimplySmackkk
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le 6 févr. 2025

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