Pour leur deuxième aventure, Yves Sente et André Juillard intègrent la dimension scientifique (comprenez le côté science-fiction) comme le faisait E.P. Jacobs. Cette intégration tirée par les cheveux et pas forcément convaincante gâche un peu la deuxième partie de ce premier volet. Très bavarde, pleine comme un oeuf (mais c'est globalement le défaut de Blake et Mortimer où la multiplicité des petites vignettes sur des planches saturées empêche parfois au dessin d'exister pleinement), elle est cependant sauvée par son contexte historique, sa richesse scientifique et ses nombreuses références aux précédents opus.
Si cette deuxième partie manque donc de finesse, elle prolonge cependant de manière habile un mystère présenté le long de la première partie. Autant le dire tout de suite, cette première partie du premier tome est certainement ce qui a été fait de plus remarquable depuis la reprise de ce titre. En imaginant la jeunesse et la rencontre de Black et Mortimer dans une Inde encore coloniale, les auteurs ont mélangé avec une rare efficacité intrigue mystérieuse, romance (eh oui!) et histoire. C'est une des grandes réussites de cet album où des enjeux autres que ceux qui sont exposés dans la deuxième partie créent une véritable attente.
Dessin de qualité, immersion historique, nouvel éclairage sur la personnalité de nos deux héros font de ce premier tome une réussite. On regrettera simplement cette étrange histoire de télépathie mais on imagine que ce prétexte farfelu sera l'occasion d'un deuxième tome dépaysant. Exit Bruxelles et son Exposition Universelle (après un remarquable détour par l'Inde), et place à une expédition attendue en Antarctique à la fin de ce premier opus intriguant même si le propos (la révolte des anciens pays du Sud) pourra paraître aux yeux de certains un peu simpliste mais pas dénué d'intérêt.