C'est un des événements manga de cette fin d'année: la publication de ce Marie-Antoinette, fruit d'une collaboration éditoriale inédite entre Glénat, Kodansha et le Chateau de Versailles. Un volume unique, centré sur l'arrivée de la future Reine en France, et s'attachant surtout aux détails d'un quotidien de la Cour que la princesse découvre avec étonnement.


La figure de Marie-Antoinette passionne depuis longtemps l’imaginaire japonais, comme put en témoigner l’immense succès manga que fut dans les années 1970-80 La Rose de Versailles, de Riyoko Ikeda, mieux connu dans nos contrées sous le titre de Lady Oscar. Quelques décennies plus tard, c’est une autre mangaka qui se charge de donner vie, à nouveau, à ce personnage de Marie-Antoinette : Fuyumi Soryo, auteure de Cesare, remarquée et remarquable par l’élégance de son trait et son souci de l’Histoire.


Mais cette fois, on est loin de la longue chronique romanesque enflammée. Fuyumi Soryo s’attache à peindre les premières difficultés éprouvées par la toute jeune princesse autrichienne promise au Dauphin de France : adieux à sa famille et à son pays, premiers contacts malheureux avec son époux, marqués par une incompréhension mutuelle, et surtout mœurs absurdes de la Cour de France commandées à la fois par l’absolutisme du pouvoir royal et par une étiquette rigide et aberrante.


On pourrait, si l’on voulait tisser des liens entre ce récit du passé et notre histoire présente, y voir le portrait d’une jeunesse corsetée dans des codes usés dont le sens lui échappe, éprise de liberté, et voulant échapper à des convenances dont elle n’a que faire. On pourrait aussi voir, dans Marie-Antonia, une figure de l’étrangère dont on ne veut pas "chez nous" et que l’on caricature de manière honteuse. Mais ce serait certainement forcer la lecture de l’ouvrage, muet sur tout ce qui relève de la dimension sociale.


Car ce qui nous est dépeint dans ce volume unique s’avère au final assez frustrant. Si l’ensemble apparaît minutieux et intéressant par ce souci des détails historiques et réalistes, mignon et prenant par la peinture de son personnage principal, le tout s’arrête presque trop rapidement, laissant un goût d’inachevé. Comme s’il s’agissait de faire événement, pour le principe, mais sans chercher à développer le propos, ou se risquer dans des zones ou situations plus périlleuses.


En effet, ce portrait assez touchant de Marie-Antoinette relève presque de l’hagiographie et d’une forme d’apologie d’une Monarchie somme toute idéalisée par le biais de cette figure de la Reine. Le but avoué étant de nous la rendre sympathique tout en demeurant le plus léger possible, sans trop s’engager sur le terrain glissant du politique. Et après tout pourquoi pas : le moment de lecture demeure plaisant, et ce projet accompagne directement la grande exposition consacrée à la Reine qui vient de débuter, en cette fin octobre, à Tokyo au Japon. Un joli coup, donc, à tous les sens du terme.


Chronique originale et illustrée sur actuabd.com

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le 31 oct. 2016

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