Une bonne anthologie, une mauvaise porte d'entrée.

Vous savez j'étais en train de feuilleter une anthologie de poésie contemporaine vers quatre heures du matin. Au bout d'une poignée de poèmes lus j'allais m'insurger sur ce site pour dire que je détestais cette anthologie et les anthologies de poésie en général. C'est vrai quoi, le lecteur débutant et ignorant, il débarque pour lire des textes et approfondir sa culture et qu'est-ce qu'on lui offre ? Une suite de texte énigmatique qui bons ou mauvais, captivants ou ennuyeux, ne donnent jamais l'impression d'avoir été mis là pour une bonne raison. Aucun contexte historique, aucune explication sur les enjeux esthétiques ou les techniques stylistiques mises en œuvre, aucune analyse ou critique. Les textes sont là et c'est tout - parce que vous comprenez l'art, c'est subjectif, on va pas prendre notre lecteur par la main. Cela demanderait un travail supplémentaire alors qu'on a juste choisi des textes (au hasard) et acheté des droits.


Cela m'énerve.


Donc pour ne plus m'énerver, j'ai décidé de dire du bien d'une anthologie que je possède déjà et qui de surcroît parle de mon héros Marvel préféré : Daredevil. Ne vous en faites pas je ne ferai pas l'affront de parler des épisodes qui constituent cette anthologie individuellement. L'exercice est tentant, mais la question ne me semble pas pertinente. Si vous voulez vous épargnez toute la lecture et que votre seule préoccupation est de savoir si oui ou non vous devez acheter ce livre pour vous ou l'offrir à quelqu'un, posez-vous deux questions simples. Comment connaissez-vous le personnage de Daredevil ? Et avez-vous déjà lu ses aventures en comics ? Si vous ne connaissez le personnage qu'à travers ses adaptations audio-visuels ou ses apparitions dans d'autres séries papiers Marvel, acheter plutôt le troisième intégrale de Frank Miller sur le personnage ou commencer le run de Brian Michael Bendis sur le personnage. Vous y trouvez un esprit sombre proche de la série Netflix et ce sont des indispensables de la culture comics mainstream. L'essentiel, quoi. Si vous avez déjà passé ce cap cette anthologie est la prochaine étape.


L'anthologie et le travail éditorial


Je vais être franc. J'adore le personnage de Daredevil et j'ai déjà écumé (plusieurs fois même) la page marvel wiki sur le diable rouge. Je connaissais presque toutes les histoires présentées dans cette anthologie de nom. Le travail et les choix sont de tout même impeccables. On ne se rend pas compte du travail délicat que représente le choix des épisodes pour un héros comme Daredevil. Le personnage a connu énormément d'épisodes moyens au cours de sa carrière. (les premiers épisodes des années soixante sont très difficiles à lire) Mais, plus important encore, la plupart des bonnes histoires écrites sur le personnage s'étire très souvent en longueur. A la différence d'un Spider-Man qui possède ses chapitres marquants et très courts, les meilleurs histoires de Daredevil sont des sagas : Born Again, The Man Without the Fear, End of Days, la saga de Brian Michael Bendis et de Ed Brubaker. La tendance à la décompression des récits pour gagner en réalisme et installer posément l'évolution psychologique de ses personnages y est pour beaucoup (encore que pour Guardian Devil, cette explication ne s'applique pas). Bref, une véritable anthologie de Daredevil ferait des milliers de page.


Je maintiens donc que la tâche de Panini Comics était délicate et que les rédacteurs s'en sont bien sortis. Le livre réuni une douzaine de titres qui témoignent de cinquante ans d'évolution pour le personnage de Matt Murdock. On y trouve son origin story, son intronisation, ses relations fortes (La Veuve Noire, Bulleyes, Foggy Nelson, Elektra, Punisher...) et les moments forts de sa vie dans ce bouquin. Les auteurs les plus importants pour le personnage sont présents, on peut voir donc le personnage sous plusieurs traits et interprétations. Le second choix intelligent pour cette anthologie est d'avoir séparé les chapitres par des courts éditos pour expliquer le contexte dans lequel évoluer le personnage. Les changements d'auteurs, les déboires financiers, les épisodes marquant qui n'ont pas été intégré ou tout simplement une mise au point sur ce qui était arrivé aux personnages en une dizaine d'année. Merci. Je n'en avais pas besoin personnellement mais une telle attention est louable pour aider le lecteur qui n'est pas au fait avec la continuité du personnage.


Une anthologie qui fait son travail même si je ne la considère pas comme un possession indispensable. Juste un plus intéressant, je vais quand même revenir sur trois points : l'épisode avec le Sub-Mariner et pourquoi j'aime le personnage de Daredevil.


Daredevil #7 : In Mortal Combat with.. The Sub-Mariner
Mon épisode préféré de l'anthologie. Vraiment. (Je préfère relire le run de Frank Miller en entier plutôt que ses épisodes seuls.) Un comics écrit en 1964 pour les enfants de 8 à 12 ans et pourtant il fait mouche chez moi. Il est considéré comme l'un des meilleurs comics Marvel de son année par ailleurs. En opposant Daredevil à Namor, un super-héros ambigu, prince des Mers, une sorte de Aquamam version Marvel capable de rivaliser avec les Avengers, Stan Lee et Wally Wood nous offre un affrontement de taille. J'adore le style très propre de Wally Wood. Il dessine Daredevil comme un personnage plutôt fin, athlétique, mais sans muscle saillant ou sans le rendre body-builder comme d'autres dessinateurs le feront après lui. Il est un peu le second père de Daredevil en lui dessinant sa tenue rouge iconique. Je n'ose pas imaginer comment la série aurait évolué s'il avait travaillé un peu plus longtemps sur le personnage. (Il a juste contribué à une poignée de numéro.)


On ne va pas se mentir le personnage - si on excepte l'épisode sus-nommé - partait sur de très mauvaise base à la différence de Spider-Man. Le personnage de Spider-Man et de Peter Parker avait une certaine ligne directrice : la mort de l'oncle Ben avait montré à Peter qu'il devait utilisé ses pouvoirs à bon escient, sa mort provoquait des soucis financiers à tante May donc Peter cherchait à gagner sa vie en faisant des petits boulots tandis que Spider-Man jonglait entre ses ennemis et la presse. Chaque épisode avait un impact sur le suivant même minime. Dans Daredevil, on peine à donner un semblant de justification à pourquoi Matt enfile son costume alors qu'il a vengé la mort de son père dés le premier épisode. De même le triangle amoureux est sous traité et ennuyeux quand les ennemis de Daredevil peine à être convaincant. (Ce sont juste des individus ordinaires déguisés, Matador, Gladiateur, Maraudeur Masqué, Ox, Mr Fear...) Je ne veux pas crier à l'incohérence. Pas du tout. Stan Lee a eu une idée originale pour ce personnage, mais il était clairement sous-traité comparé à d'autres personnages.


L'épisode 7 brille parce qu'on s’embarrasse peu de la continuité, du personnage derrière la capuche et des histoires d'amourette. On a David contre Goliath et le lecteur (même de dix ans) sait pertinent que Daredevil ne peut pas gagner face à Namor.


J'aime ce héros pour cela en partie. Son "réalisme", son "impuissance" et son abnégation. Daredevil dés 1964 est l'un des héros les plus faibles de l'écurie Marvel - même si en terme de technique de combat il égale Spider-Man, il n'a ni sa super-force ni ses autres pouvoirs. Il est incroyable qu'il ait tenu aussi longtemps avec une série régulière et pourtant. Daredevil est un héros qui parvient à briller dans sa défaite, sa chute mais qu'il se relève quand même que ce soit quand il se relève face à Namor ou quand - des années plus tard en publication - il se relève dans Born Again après avoir été massacré psychologiquement et physiquement par Fisk. Daredevil dans ses faiblesses psychologiques et physiques est terriblement humain, bien plus qu'un Batman toujours calculateur, parfait et intègre. Les auteurs sur le personnage n'ont eu de cesse d'exploiter cela quitte à maltraiter le personnage et à le rendre dépressif, borderline voire méchant (oh pu*** Shadowland, oubliez j'ai rien dit). Voilà pourquoi j'aime Daredevil et voilà pourquoi je pense que Wally Wood fut si important pour lui.

H_Zinzolin
7
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le 4 juin 2018

Critique lue 312 fois

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