Une démarche intéressante mais clairement pas aboutie

S'il n'apporte pas grand-chose niveau narratif, Mathis et la forêt des possibles comporte un double intérêt dans sa démarche : celui d'essayer d'aborder un concept philosophique complexe à destination d'un public Jeunesse et d'expérimenter la création d'une bande dessinée à l'aide d'un outil d'IA, ici Midjourney. Toutefois, dans les deux cas, on ne peut pas vraiment dire que ce soit une réussite.

Pour le concept philosophique, l'approche de Jiri Benovsky se révèle très maladroite. On sent l'effort de l'auteur de l'intégrer dans le récit mais cela reste artificiel surtout dans la partie vulgarisation. Il y a surtout un décalage entre le dessin, le texte et le public visé : le discours et l'histoire semblent être destinés à un public bien plus jeune que l'ouvrage et les dessins.

Concernant l'utilisation de l'IA, cette dernière est clairement assumée et surtout indiquée. Pas de faux semblants et ou demi-vérité, l'éditeur l'indique sur la 4e de couverture, à la page de titre et surtout l'auteur développe toute sa démarche dans la postface. On peut s'en offusquer, regretter qu'un auteur de vulgarisation ne se soit pas adjoint les services d'un dessinateur pour créer son ouvrage. Mais après tout, nous avons bien eu un Fauve d'Or décerné à une bande-dessinée réalisée sur des logiciels d'architecture et d'infographie. le gros problème est que malgré un gros travail de cohérence et de mise en page graphique, certaines illustrations détonnent et surtout l'ensemble des personnages provoquent un effet d'étrangeté. On peut rapprocher cela à la théorie de la Vallée dérangeante. Cette théorie de la robotique exprimant que lorsque le niveau d'imitation de la réalité dépasse un seuil, cela déclenche un rejet et ses imperfections nous paraissent monstrueuses. Et malheureusement, les personnages et les créatures réalisées par IA pour cette BD tombent dans cette vallée.

En bref, Mathis et la forêt des possibles aurait dû être intéressant pour son sujet et pour sa conception expérimentale mais n'est clairement pas abouti et échoue dans son idée de base : présenter un concept philosophique à un public jeunesse pour au final n'être relégué qu'à un simple objet de curiosité qui sera très vite dépassé et daté étant donné la vitesse à laquelle les technologies évoluent.