Après un troisième épisode franchement décevant (Le savant fou), on pouvait craindre le pire pour ce quatrième épisode des aventures d’Adèle Blanc-Sec. Étrangement, malgré des rebondissements encore très rocambolesques, ici tout passe beaucoup mieux, malgré quelques énormités. La raison en est peut-être que Tardi est mieux inspiré dans son ironie, allant jusqu’à se caricaturer lui-même. De plus, il introduit un nouveau personnage, Mouginot, qui se présente comme un homme jeune, expérimentateur qui va de découverte en découverte avec l’amusement d’un enfant qu’il n’est pas loin d’être encore. Son étonnement est souligné par les deux incisives supérieures qui mangent tout le bas de son visage.


Tardi régale à nouveau son lecteur en lui faisant une promenade touristique de Paris, allant du centre historique (jardins du Louvre, rue de Rivoli, statue équestre de Jeanne d’Arc), dans les rues nocturnes désertes où un bourgeois aviné fait des découvertes macabres en rentrant chez lui, au parc Monceau où se trouve une pyramide. Pas de pyramide au Louvre à l’époque, mais quelques-unes au cimetière du père Lachaise.


Les cadavres de jeunes filles sont la trace d’événements étranges. On n’est plus à ça près avec Tardi, puisqu’il nous a déjà initiés à la secte des adorateurs de Pazuzu. Dans les catacombes, Mouginot et Adèle vont assister à de bien étranges allées et venues.


On le savait depuis un certain temps, Adèle détient une momie qu’elle conserve dans une vitrine. Adèle rédige le compte-rendu romancé de ses aventures sous son œil mort et la prend à partie pour commenter ce qu’elle observe. A-t-elle des hallucinations en croyant la voir bouger ? Pourtant, il semble qu’on en veuille particulièrement à Adèle, puisqu’on lui fixe des rendez-vous qui se soldent par des tentatives d’assassinat, gare de Lyon et gare Montparnasse notamment. Tardi ayant annoncé le 4 mars 1912 pour le début de l’intrigue, il se permet une énormité en lien avec l’actualité de l’époque. C’est tellement fou qu’on ne peut que s’en amuser. D’autant plus qu’il en rajoute une couche en faisant la promotion d’un de ses albums Le démon des glaces qui ne fait pas partie de la série, mais qui s’y rattache néanmoins par l’intervention de quelques personnages.


A propos de personnages, nombreux sont ceux qui interviennent une nouvelle fois, mais cette fois-ci Tardi ne les amène pas comme un cheveu sur la soupe. Il se permet même le luxe de montrer un refus de Flageolet d’apporter à nouveau son aide désintéressée et flegmatique. Caponi se retrouve à nouveau chargé d’une enquête d’envergure. Une nouvelle fois, il se montre en dessous de tout. Tardi va jusqu’à se débarrasser définitivement de quelques ennemis farouches de son héroïne, le commissaire principal Dugommier et Clara Benhardt, comme s’il envisageait de tirer un trait sur les aventures d’Adèle Blanc-Sec, ce qui collerait bien avec les ultimes péripéties de l’épisode. L’album se conclut avec le début de la guerre (1914), Tardi annonçant sur une vignette noire « … Et il n’y eut plus d’espoir »


Le trait reste inimitable, Tardi ayant désormais tout bien mis en place dans cette série. Adèle a enfin un métier clairement défini, même si elle ne semble pas spécialement soumise à la pression de l’écrivain de romans-feuilletons. Les couleurs restent signées Anne Delobel (idem pour le lettrage, dont il est intéressant de souligner qu’il utilise des lettres en minuscules). La ville de Paris est remarquablement mise en valeur, dans une ambiance essentiellement nocturne. Les rebondissements s’enchainent de façon jubilatoire. Et le fantastique cher à Tardi dans cette série est nettement plus acceptable que dans l’album précédent, puisque Mouginot est un spécialiste de la vie après la mort. Il travaille à une méthode qui pourrait avoir des conséquences notables. Avec les momies, on est dans cette thématique de la vie après la mort. Et, des momies, il y en a beaucoup au musée du Louvre !


Enfin, un tueur à gages complètement névrosé joue un rôle non négligeable dans cette histoire qui clôt en beauté un cycle dans les aventures d’Adèle Blanc-Sec.

Electron
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le 10 mai 2015

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