MW
7.4
MW

Manga de Osamu Tezuka (1976)

Les échos que j'avais pu lire à propos de MW le qualifiaient d'œuvre de Osamu Tezuka allant le plus loin dans le gekiga. Le gekiga – ou "image dramatique" – est une forme de manga bien plus sombre et dramatique que le manga traditionnel dont Osamu Tezuka était justement le chef de file à l'époque de son apparition ; l'auteur se montrera d'ailleurs extrêmement virulent envers ces récits plus adultes, avant de succomber pour en écrire quelques-unes des pages les plus illustres.
Dire que MW est son gekiga le plus sombre, pour les lecteurs qui connaissent bien cet aspect dans la carrière du mangaka, je pense que cela ne peut qu'effrayer. En effet, lorsqu'il a travaillé dans le cadre de ce style, il a pu aller loin dans le drame, la dénonciation, et l'émotion, n'hésitant jamais à aborder des sujets graves ou à faire souffrir ses personnages. Mais dans MW, il arrive pourtant à aller encore plus loin.
Osamu Tezuka fait ici un pari risqué, en donnant le rôle titre à Michio Yuki (même s'il lui arrive fréquemment de le partager avec Garai). A l'instar de Black Jack, Michio a subi dans son enfance un événement tragique au cours duquel il a pu assister à toute l'horreur dont pouvait être capable l'être humain ; mais là où Black Jack avait découvert un substitut de figure paternelle pour lui montrer que l'homme possède aussi une part de lumière, Michio a été livré à lui-même, et les effets du gaz toxique qu'il a inhalé ont gravement altéré son esprit, faisant qu'il ne ressent plus aucune culpabilité lorsqu'il assassine ou manipule un individu.
Michio est un personnage fascinant : plus cruel et cynique que n'importe quel héros de Osamu Tezuka – et pourtant, il a de la concurrence – il bénéficie d'une intelligence peu commune et d'un physique très avantageux, lui permettant de faire succomber aussi bien les femmes que les hommes, mais aussi d'assumer diverses identités féminines. Dès le début du manga, il étrangle un jeune garçon qu'il avait kidnappé pour atteindre son père, un riche homme d'affaire impliqué dans les événements de son enfance. Tout de suite, le ton est donné.
Le statut de "gekiga le plus sombre" de Osamu Tezuka se justifie non seulement par le comportement absolument immoral du personnage central, mais aussi par la somme de thèmes qu'il traite ; plus exactement, toutes ses thématiques classiques semblent se retrouver dans ce manga : dénonciation de la guerre, pédophilie, homosexualité, travestissement, cruauté, manipulation politique, occupation américaine au Japon, socialisme, et même humanisme, car il reste malgré tout un peu d'espoir au fond de cette œuvre grâce au personnage de Garai.
MW est un manga à l'image de son héros : sombre, violent, fascinant, mais vraiment dérangeant et malsain, comme rarement manga de Osamu Tezuka l'aura été. Un récit marquant et prenant, mais à tenter en connaissance de cause.
Ninesisters

Écrit par

Critique lue 2K fois

3
1

D'autres avis sur MW

MW
Josselin-B
3

De trop pour pas assez

Éclectique, c’est le mot juste. C’est en tout cas le mot le plus à même de désigner Osamu Tezuka pour ce qui concerne l’ensemble de sa création. Je l’ai déjà écrit en d’autres occasions, cet homme-là...

le 1 déc. 2023

3 j'aime

MW
Ninesisters
8

Critique de MW par Ninesisters

Les échos que j'avais pu lire à propos de MW le qualifiaient d'œuvre de Osamu Tezuka allant le plus loin dans le gekiga. Le gekiga – ou "image dramatique" – est une forme de manga bien plus sombre et...

le 5 mars 2012

3 j'aime

1

MW
davidson
10

Chef-d'oeuvre de cruauté sans concession, un des plus grands mangas !

Nota Bene : à propos de mon titre, je précise que je mets volontairement un "s" au pluriel à "manga", comme je ne dis pas "scénarii" en singeant piteusement l'accent italien au milieu d'une phrase en...

le 15 mars 2019

1 j'aime

Du même critique

Evangelion 3.0 : You Can (Not) Redo
Ninesisters
10

La prochaine fois, j'enlève le bas !

Si je suis légèrement moins emballé que pour les deux premiers opus, je trouve quand même qu’il s’agit pour l’instant du meilleur de la saga. Paradoxe ? Incohérence ? Disons que mon impression est à...

le 30 avr. 2013

43 j'aime

Hellsing Ultimate
Ninesisters
9

Critique de Hellsing Ultimate par Ninesisters

Kôta Hirano est un mangaka plus connu pour la qualité de ses boucheries, enfin de ses manga, que pour son rythme de publication. Ainsi, après le succès d’un premier anime qui ne reprenait finalement...

le 13 mars 2013

38 j'aime

1