Mythos
6.5
Mythos

Comics de Paul Jenkins et Paolo Rivera (2006)

Ce tome contient une histoire complète et peut être lu sans connaissance préalable des personnages Marvel. Il contient les 6 épisodes de la minisérie, initialement parus en 2006, écrits par Paul Jenkins, dessinés, encrés et peints par Paolo Rivera qui a également réalisé les couvertures. Chaque épisode est consacré à un superhéros différent. Le principe de ce recueil est que chaque épisode raconte l'origine d'un superhéros ou d'une équipe de superhéros.


Spider-Man - Peter Parker est une jeune étudiant au lycée, qu'aucune fille ne remarque. Il rentre chez sa tante et son oncle dépité par l'absence d'intérêt que lui porte la gente féminine, et s'assoit à table où sa tante May lui sert des biscuits de froment. Il regarde d'un air sceptique ces biscuits, avec son oncle Ben qui sourit en lui disant qu'effectivement ils ne sont pas très bons. Peter se plaint que sa vie n'est pas terrible. Son oncle évoque son intelligence, le fait qu'elle ne lui donne pas de pouvoir, mais qu'elle implique de la responsabilité. Le lendemain, Peter se rend à une expérience scientifique à base de radiation ionisante. X-Men - À Buffalo dans l'état de New York, Erik Lehnsherr est en train de faire passer de vie à trépas trois jeunes hommes qui ont causé la mort d'une jeune mutante de 12 ans, affligée d'un troisième bras. À Salem Center dans l'état de New York, le professeur Charles Xavier écoute les informations relatives à la Loi de recensement des mutants, puis à la mort de trois jeunes hommes. Ses cinq étudiants arrivent dans son étude, et il leur indique qu'ils ont 4 minutes de retard. Il s'agit de Scott Summers, Jean Grey, Warren Worthington III, Hank McCoy et Bobby Drake. Ils vont s'entraîner dans une immense salle, tout en révisant la stratégie de Napoléon à Waterloo. Hulk - Quelque part dans le désert du Nevada, Bruce Banner se retrouve nu devant l'entrée d'une caverne. Il voit en émerger une immense créature verte qui semble agressive. La voix de Betty Ross le ramène à la réalité : ils sont en train de déjeuner ensemble dans une cafétéria à Bedrock. Ils parlent du général Ross, le père de Betty, et de l'expérience que dirige Bruce Banner avec son assistant Igor.


Ghost Rider - Quelque part sur l'autoroute I-15, 6 miles au nord de Las Vegas, deux policiers sont en train de papoter dans leur voiture de service en surveillant la route. Ils voient passer devant eux un motard dépassant largement la vitesse limite autorisée, et laissant une trace de flamme derrière lui. Ils se lancent immédiatement à sa poursuite. Le policier passager n'arrive pas à convaincre la base de la réalité de ce qu'ils ont vu. Ils arrivent à la fin de la trace de flamme et le motard a mystérieusement disparu. Un peu plus loin, Johnny Blaze rentre tranquillement jusqu'au chapiteau, tout en pensant à son père Barton Blaze, puis à Roxanne Simpson. Fantastic Four - Sue Storm, Reed Richards, Johnny Storm et Ben Grimm sont assis à une table, devant des sénateurs, dans une salle d'audience. Ils ont été convoqués pour être questionnés sur ce qui s'est vraiment passé à bord de la station spatiale. Captain America - Steve Rogers repense au passé, à la blessure de son père, soldat d'infanterie, à Soissons pendant la première guerre mondiale. Il se rappelle sa jeunesse dans un quartier populaire de New York, après le décès de son père mort de la grippe en 1926, à l'âge de 33 ans. Il revoit sa mère cumulant 3 boulots pour pouvoir joindre les deux bouts, décédée alors qu'il avait à peine 18 ans. Il se revoit en train de faire des boulots manuels, alors qu'il était chétif.


Spider-Man est apparu pour la première fois en 1962, les X-Men en 1963, Hulk en 1962, Ghost Rider en 1972, Les Fantastic Four en 1961, Captain America en 1941 et rapatrié dans l'univers partagé Marvel en 1964. Depuis le temps, raconter leurs origines (dites secrètes) est devenu un (sous-)genre en soi. Il y a différentes approches possibles : raconter la même chose dans un contexte plus moderne (introduire des téléphones portables, des ordinateurs, un contexte politique moins daté) avec des dessins mis au goût du jour), ou proposer une relecture qui révèle des choses a posteriori, ou qui jette un nouvel éclairage sur la psychologie des personnages, sur leur motivation ou autre. Le lecteur peut comprendre que l'éditeur ressente le besoin de disposer de récits des origines moins datés que les originaux, que ce soit sur le plan de narration visuelle ou des dialogues, moins naïfs. Il entame donc la découverte de ces nouvelles versions, avec celle relative à Spider-Man. Il retrouve le jeune Peter Parker, plus chétif que mince, dans un environnement sans téléphone portable, sans ordinateur, avec des tenues vestimentaires datées. Les dessins semblent indiquer que l'histoire se déroule effectivement en 1962. Le lecteur familier de l'histoire ne découvrira rien de neuf, pas de point de vue particulier, pas d'analyse de caractère pénétrante, pas de nouvelle révélation. Il a même l'impression que l'histoire est moins dense que l'initiale.


Cette impression change un peu avec l'origine des X-Men. Le lecteur retrouve bien l'école et une proto-salle des dangers, mais le rôle d'Erik Lehnsherr est plus étoffé, en particulier avec le châtiment dispensé aux trois jeunes hommes. Ensuite le scénariste a intégré un dialogue supplémentaire entre Xavier et Lehnsherr reprenant des éléments de leur relation développés par Chris Claremont, bien des années après le premier épisode de la série. Dans l'épisode consacré à Hulk, Jenkins insiste plus sur l'hostilité de Thaddeus Ross envers Bruce Banner, et sur le ressentiment de ce dernier contre l'armée qui fait tout pour transformer son invention en une arme. Le lecteur s'étonne sur le choix de Ghost Rider car ce superhéros ne fait pas partie de la vague initiale de personnages cocréés par Stan Lee au début des années 1960. Il est donc possible qu'il soit moins familier avec ses origines, sinon il en retrouve les éléments classiques. Jenkins propose un point de vue différent pour les origines des Fantastic Four, racontées dans une salle d'audience, avec un changement majeur par rapport au récit de 1961 : les quatre amis travaillaient dans une station spatiale en orbite autour de la Terre. Enfin, l'origine de Captain America est sensiblement étoffée avec, en particulier, des détails sur son père qui diffèrent sensiblement en fonction des versions. Le lecteur assiste bien à la rencontre entre Steve Rogers et Bucky Barnes, par contre le costume de Bucky apparaît comme par magie, sans explication quant à la mise en danger de cet adolescent sur les champs de bataille.


Dans un premier temps, le lecteur se demande s'il est possible de parler d'actualisation de la narration visuelle. Elle est moins tassée que celle d'origine, avec des dessins moins naïfs. D'un point de vue descriptif, les cases ne comprennent pas un plus haut niveau de détails, en termes de contours encrés. Par contre la mise en couleur relève de la couleur directe, avec une technique beaucoup plus sophistiquée que celle des comics des années 1960. Du coup cette mise en couleurs directe apporte plus de texture, des ambiances lumineuses plus sophistiquées, des personnages plus consistants et plus complexes, et souvent des environnements plus denses. Par exemple, l'artiste prend grand plaisir à dessiner une échelle de secours en façade, les gratte-ciels de New York, la salle d'entraînement des X-Men, la roulotte de Johnny Blaze, le bar qu'il fréquente, le vide de l'espace avec le bleu de la Terre en arrière-plan, ou encore les différents champs de bataille où se trouve Captain America. Cela n'empêche pas Rivera de mettre en œuvre la technique qui consiste à nourrir un fond de case d'un camaïeu, sans rien y représenter, en particulier lors de l'affrontement entre les X-Men et Magneto, ou lorsque Hulk se déchaîne. Le lecteur remarque également que de temps à autre une proportion anatomique semble un peu gauche.


Le lecteur se rend également compte que Paolo Rivera parvient à conférer une qualité intemporelle à la majeure partie des apparitions des superhéros, un peu comme Alex Ross a pu le faire dans Marvel, la prestance en moins. Ça commence avec Spider-Man pour lequel l'artiste a conservé une partie de la bizarrerie présente dans les dessins de Steve Ditko, avec une silhouette beaucoup plus humaine que d'habitude, moins parfaitement musclée, ce qui rend Spider-Man d'autant plus étrange. Dans l'épisode suivant, Erik Lehnsherr vole visuellement la vedette aux X-Men et au professeur Xavier. Il reste dans une sorte de pénombre qui mange les détails de ses traits et de sa silhouette flottant à quelques centimètres au-dessus du sol, un être différent, déjà un peu éloigné de la simple humanité. Hulk est massif à souhait, avec cette boîte crânienne un peu carrée qui lui donne un air néandertalien. On ne voit quasiment pas les Fantastic Four utiliser leur pouvoir, leur apparence civile évoquant à nouveau les années 1960. Captain America est bondissant à souhait, l'artiste rendant sciemment hommage à Jack Kirby et Joe Simon, les cocréateurs du personnage. Le plus impressionnant est sans nul doute Ghost Rider, avec son crâne grimaçant et sa moto enflammée.


Au final, le lecteur s'interroge sur le public visé par ce projet. Même si Paolo Rivera est encore relativement débutant, il réalise des planches plastiquement intéressantes, à l'ambiance vaguement surannée, mais avec des superhéros proches du mythe. Paul Jenkins donne l'impression de s'en tenir à une approche scolaire, très respectueuse de l'origine originelle, n'apportant presqu'aucun élément neuf, se limitant à intégrer des apports ultérieurs sur les personnages (la relation Xavier / Lehnsherr) en nombre très limité. Il n'y a que pour Captain America qu'il réalise un vrai récit avec un point de vue sur la valeur des soldats américains. Du coup, ces mises à jour d'origines (secrètes) s'adressent avant tout à des lecteurs novices en superhéros Marvel, même s'il manque le clinquant spectaculaire propre au genre, plus qu'à des lecteurs familiers de ces histoires pour qui le seul attrait réside dans la narration visuelle dotée d'un charme bien réel.

Presence
6
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le 3 avr. 2020

Critique lue 74 fois

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