Ce tome fait suite à Once and Future T01 (épisodes 1 à 6) qu'il faut avoir lu avant. Il regroupe les épisodes 7 à 12, initialement parus en 2020, écrits par Kieron Gillen, dessinés et encrés par Dan Mora, avec une mise en couleurs réalisées par Tamra Bonvillain. Il contient également les 6 couvertures de Mora, ainsi que deux alternatives réalisées par lui, et une par Jenny Frison.


À Camelot dans l'Outre-Monde, le roi Arthur explique aux chevaliers autour de lui qu'il est parvenu à repousser le changement, et que son apparence est véritable. Mais il a appris que son ennemi de toujours va bientôt recommencer à rôder sur Terre. Il a donc besoin d'un chevalier de confiance pour lui confier une mission. Galaad s'avance assurant qu'il est l'homme de la situation. Arthur lui explique qu'il doit alors prendre le risque de prendre place sur le siège périlleux pour prouver sa valeur. Galaad s'exécute et ressent une terrible douleur. Dans la forêt de Cornwall, Duncan McGuire se tient debout, les pieds dans une mare, une hache à la main, l'air un peu hébété. Il répond à son portable : c'est sa grand-mère Bridgette. Il l'informe qu'il a accompli sa mission : tuer un lutin. Elle lui demande s'il lui rendra bientôt visite : il a un double appel et lui dit au revoir. Il répond à Rose. Elle lui demande s'il a terminé sa mission, et lui dit qu'il pourra se reposer dans le train en allant à Londres. Elle vient de se livrer à une séance de divination avec des épingles et une carte : la prochaine incursion en provenance de l'Outre-Monde sera de plus grande ampleur que les précédentes, et elle aura pour objet un vol au British Museum.


Le soir suivant, après la fermeture, Duncan McGuire se trouve à l'intérieur du British Museum où il a pu pénétrer grâce aux autorisations officielles de Rose. Il avance avec une lampe de poche et un cristal qui lui indique quelle direction suivre. Tout d'un coup, celui-ci se met à l'horizontal ainsi que le fil au bout duquel il pend, et Duncan débouche dans une salle où est exposé un casque ancien. Derrière lui surgit un cavalier affligé d'une vilaine maladie de peau, maniant une masse d'arme, avec une attitude agressive et belliqueuse. Duncan identifie en lui Galaad. Ce dernier s'élance en avant et brise la vitrine, récupérant le casque. Une silhouette s'avance derrière lui, tout en restant cachée dans l'ombre. Pendant ce temps-là, dans la bibliothèque britannique, une autre personne beaucoup plus discrète brise une vitrine contenant des manuscrits et en dérobe un, laissant les autres sur leur présentoir. Le combat fait rage entre Duncan et Galaad à cheval, au désavantage certain du premier. Une voix prononce un petit Oh. Alors qu'il allait porter un coup fatal avec sa masse d'arme, Galaad s'interrompt pour voir qui se trouve là : Bridgette McGuire, avec un pistolet chargé dans la main droite, et une cigarette allumée dans la gauche. En s'adressant à son petit-fils, elle lui dit qu'elle l'avait bien averti de ne pas se laisser distraire. Elle tire sur Galaad. Ce dernier ayant ce qu'il est venu chercher, lance son cheval au galop vers la fenêtre. Ni le cavalier, ni sa monture n'ont détecté le fil tendu au travers du passage, assez bas. Avec la force de l'élan, le cheval s'en trouve tranché en deux, et le cavalier en perd une jambe. Il traite la grand-mère de monstre, et celle-ci se présente à lui. Les deux silhouettes disparaissent et retournent dans l'Outre-Monde. La grand-mère indique à son petit-fils que le problème a été résolu, ou en tout cas remis à plus tard, et qu'Arthur trouvera sans nul doute le moyen de remettre Galaad sur pied. Duncan aimerait savoir comment elle est arrivée là.


Complètement conquis par le premier tome, à la fois par la narration visuelle colorée, et par la tournure que prend le retour du roi Arthur, le lecteur retrouve avec plaisir ces caractéristiques dans cette suite. Il prend conscience de deux particularités supplémentaires. Au fil des épisodes, il devient clair que les auteurs sont partis pour un récit au long cours : cette affaire ne va pas être réglée en un tour de main. Arthur se rend compte qu'il lui faut se livrer à certains préparatifs avant de pouvoir sa lancer dans son projet à l'échelle de l'Angleterre. D'autres personnages entrent en lice avec leur propre objectif, et bien sûr leur rôle à jouer conformément à la légende de la Table Ronde, ou peut-être en décalage. Par exemple, Merlin est très conscient de ce principe de cycle et compte bien mettre à profit cette connaissance. Par ailleurs, Mary (Elaine) accomplit des actions qui ne permettent pas encore de savoir de qui elle est la réincarnation, ou si elle est un personnage nouveau dans le mythe. Enfin, le scénariste ouvre son récit à une possibilité évidente : il n'y a pas de raison que la geste arthurienne soit la seule qui puisse revenir pour un nouveau cycle, sous réserve qu'il y ait des individus capables de provoquer ce retour, par leurs connaissances et des artefacts bien choisis. C'est ainsi que le lecteur assiste à une nouvelle incarnation d'un personnage célèbre des contes et légendes anglais. Le dessinateur s'en donne à cœur joie pour donner à voir ledit personnage, ainsi que le monstre qu'il a occis.


Comme pour le premier tome, la complémentarité entre dessinateur et coloriste fonctionne à merveille pour des pages très agréables à l'œil. Ça commence dès la première avec une séquence qui se déroule dans l'Outre-Monde, à raison de 3 grandes cases par page, c’est-à-dire une narration visuelle assez aérée, presque décompressée. Tamra Bonvillain commence par composer un ciel rose, avec une déclinaison en violet, attestant sans erreur possible que Camelot se situe dans une autre dimension. Le reste de la scène baigne dans une lumière vert foncé, attestant de la présence d'énergies magiques qui flottent dans l'air. Elle joue également avec des teintes mariant rose et marron pour de la chair pas très fraîche pour l'inconscient qui s'est assis de son plein gré sur le siège périlleux. La séquence suivante se déroule en forêt et la coloriste conserve une nuance rosée pour faire comprendre qu'effectivement Duncan s'est battu contre des créatures magiques, même si elles ont disparu. Tout du long de ce tome, elle joue à opposer des teintes rose ou violet, contre des teintes de vert, l'une ou l'autre dominant dans certaines pages. Elle sait composer des camaïeux simples pour ne pas être trop artificiels, tout en étant assez consistants pour nourrir les fonds de case parfois vides d'information. Là où il pourrait y voir une forme d'économie de la part du dessinateur, le lecteur se dit qu'il s'agit plus de rendre compte de l'impression d'irréalité de l'Outre-Monde, dimension magique moins matérielle que la vraie réalité.


Le spectacle est au rendez-vous avec un esprit d'aventures très agréable. Dan Mora raconte ces péripéties avec une verve assurée, et un sens du merveilleux rehaussé d'une petite touche amusée, ce qui le rend encore plus savoureux. Sa direction d'acteur joue sur le fait que la grand-mère est en excellente santé, avec une volonté qu'elle sait imposer à son neveu, que celui-ci fait de son mieux tout en étant loin d'être blasé. Le lecteur voit bien que les deux créateurs inscrivent leur récit plus dans le conte que dans le réalisme ancré dans le quotidien. Outre-Monde est une dimension qui relève plus d'une vision de l'esprit que d'un monde parallèle. Il ne peut pas être réduit à un décor de carton-pâte, ou à une toile de fond à l'arrière d'une scène où évolue les personnages. Mais le lecteur ne fait pas le tour de Camelot avec les commentaires d'un guide touristique : c'est plus une idée de château fort où se sont installés des légendes. Le monde réel apparaît plus consistant, plus concret, que ce soit une église en fond de case, l'appartement de Rose, la maison de repos où séjourne Bridgette. D'un autre côté, l'objectif du dessinateur n'est pas non plus d'opposer les deux mondes. Lorsque des affrontements se déroulent sur Terre contre des monstres, il fait en sorte de matérialiser le glissement qui se produit de la réalité vers la légende, en représentant moins les décors qui sont occultés par les forces surnaturelles.


Effectivement, pour accélérer le rythme de lecture, l'artiste diminue le nombre de cases lors des séquences d'action. Dans le même temps, il met à profit cette forme de décompression visuelle pour construire des plans de prise de vue qui augmentent les effets de vitesse, les impacts, les moments à couper le souffle face à des créatures ou des individus de légende. Par exemple, la première apparition du guerrier revenu à la vie se fait sous la forme d'un dessin en pleine page en fin du premier épisode. Les séquences d'action coupent le souffle du lecteur : à commencer par ce cheval sectionné par un fil tendu dans son axe de course. Le lecteur prend toute la dimension de la force de la narration visuelle lors d'un accident : une voiture fait un tonneau sur 2 pages, chacune comprenant 3 cases de la largeur de la page. C'est percutant, brutal, spectaculaire à souhait, résultat pourtant très difficile à obtenir pour une scène aussi classique, quand en plus la vitesse de lecture n'est pas imposée par le média, mais par le lecteur. Celui-ci se délecte donc d'une narration visuelle à la fois énergique et rapide, à la fois un peu amusée par une exagération bien placée de ci de là, sans systématiser ce dispositif.


Ce deuxième tome confirme tous les bons côtés du premier : une idée de départ iconoclaste qui permet quand même de mettre à profit le mythe d'Arthur et de Camelot, mais d'une façon inhabituelle, une narration visuelle immédiate, vive et divertissante. L'intrigue s'installe dans le long court, ce deuxième tome constituant un chapitre où les héros doivent affronter les créatures d'une autre légende, Arthur et ses hommes ayant besoin de temps de préparation, ce qui est mis à profit par d'autres factions avec leur propre objectif. Une très grande réussite.

Presence
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le 26 mars 2022

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