Orpan and the five beast, un boss game jubilatoire

Le Godzilla: The Half-Century War de James Stokoe étant l’une des meilleures histoires de la grande bestiole en bandes dessinées, la découverte d’un nouveau titre de ce génial auteur s’imposait donc.

Nourri d’influences japonaises et américaines, le canadien exprime ses affinités avec Orphan et les Cinq Bêtes, où Orphan Mo, jeune disciple mutique de son maître part éliminer cinq anciens élèves qui ont renié leurs engagement et utilisent à leurs profits leurs pouvoirs devenus corrompus.

L’histoire rappellera aux amateurs celle de « 5 venins mortels » de Chang Cheh (1978) mais part dans des directions bien plus extrêmes. Le road-movie évoque cette quête de revanche d’un ordre ancien par différentes étapes qui seront surtout prétextes à des rencontres et des affrontements contre ces disciples corrompus par le pouvoir.

Le tout est amené avec une certaine jubilation dans l’excès, où l’ambiance feutré de ces films d’arts martiaux est dynamitée par des situations surprenantes et des scènes d’action qui le seront tout autant. Les Bêtes en question sont des êtres humains devenus hors-normes, où sans encadrement de leurs capacités ils sont allés au bout de leurs obsessions jusqu’à les pervertir. La bande dessinée tranche dans le lard, explose la chair s’il le faut, mais propose aussi des incarnations qui vont aller jusqu’à un body-horror terriblement surprenant.

Cette quête s’apparente ainsi à un boss game, ou l’équivalent de ces modes de jeux dans le jeu vidéo où il faut affronter les plus imposants adversaires à la suite. Chacun est ici introduit, présenté dans son contexte ou avec son entourage, mais l’enjeu sera bien de faire parler la lame tranchante d’Orphan. Cette dernière est encore peu catégorisée, présentée par son efficacité et sa détermination. Une personnalité encore vierge dans sa quête de revanche, même si elle sera parfois légèrement étonnée par certains des comportements qui ont décidé de la suivre après qu’elle ait tué leur précédent chef, crapules solidaires qui rappellent celles des films d’Hayao Miyazaki. Elles ne sont pas le seul vecteur des quelques petites touches humoristiques mais y contribuent fortement.

A l’image de ce scénario assez clair sous forme de quête, de ces cinq boss à affronter ou du manque de développement de son personnage, Orphan et les Cinq bêtes semble ainsi aussi payer sa dette aux jeux d’action japonais des années 1980-1990 qui ont fait le bonheur des joueurs de l’époque.

L’hommage serait probablement vain si James Stokoe n’était pas un auteur chevronné. La trame générale est acquise, mais possède ses petites surprises souvent réjouissantes sur le contexte ou les possibilités de chacun des belligérants. Mais surtout l’auteur dessine avec une rage jouissive et un luxe de détails, sans jamais pour autant sacrifier la lisibilité de ses pages. Dans la précision des cases et cet esprit de douce folie insufflée dans les cases, on retrouve un peu de Geoff Darrow (Hard Boiled, Shaolin Cowboy, etc.) mais sans une mise en scène trop figée.

Orphan et les Cinq Bêtes est un comic-book d’action, mais avec un dynamisme et une mise en scène qui ridiculisent bien des confrères, rivalisant toujours de nouvelles mises en scènes et d’idées, comme dans les meilleurs films d’arts martiaux mais avec la rage de l’auteur ici présent. Ce dernier n’est pas avare en idées surprenantes, à l’image des conclusions vraiment inédites des affrontements contre ces Bêtes.

Les pages offrent ainsi un effet sur le vif, mais sans jamais apparaître trop bâclées. James Stokoe fait ici une synthèse de ses influences japonaises et américains mais sans jamais les rabâcher servilement, offrant une personnalité certaine. Artiste complet, il signe ici le scénario, le dessin et les couleurs, s’appropriant entièrement son projet pour mieux l’offrir aux lecteurs tel qu’il le souhaite.

Un évident délire visuel à l’énergie certaine, affûtée voire sanglante, mais dont les quatre épisodes ici proposés ne couvrent qu’une partie de l’histoire globale. Cela fait déjà deux ans que pas un seul nouvel épisode n’est paru, la série s’arrêtant à la fin du deuxième affrontement. L’inspiration s’est-elle tarie ? Le projet aurait-il été discrètement annulé ? Ou est-ce qu’il s’agit de temporiser pour mieux revenir, le katana aiguisé dans la bouche d’une Orphan toujours aussi déterminée ? Dans l’optique où la série ne connaîtrait pas de conclusion, cela serait une triste perspective, mais l’album mérite tout même un peu d’attention tant il est assurémment jouissif dans son action débridée. Il est de plus publié par un petit éditeur, Komics Initiative, dont il faut saluer le courage de publier une œuvre d’un auteur génial mais encore trop méconnu et qui ne soit pas une adaptation de licence.

SimplySmackkk
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le 19 avr. 2024

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