Petit Vampire
6.9
Petit Vampire

BD franco-belge de Joann Sfar (1999)

Devoirs à faire : avant la sortie du film Petit Vampire, lire les BD


Tâche un peu trop ardue, le prolifique Joann Sfar a développé son Vampire en plusieurs tailles (Petit ou Grand), en différentes séries et autres dérivées. Il est difficile de tout rassembler entre les mains.


Alors commençons par les débuts, avec les cinq premiers tomes (sur sept) de la première série chez Delcourt, parus entre 1999 et 2005.


Avec Petit Vampire, Joann Sfar crée une œuvre qui peut plaire autant aux petits qu’aux grands, grâce à la fraîcheur de son univers, à son humour piquant et des planches admirablement bien dessinées.


Le centre de l’histoire, c’est bien sûr Petit Vampire, un Nosferatu en taille réduite, un peu espiègle, un peu borné. Autour de lui gravitent différents personnages extirpés d’un semblant de L’Étrange Noël de Mr Jack, avec Le Capitaine des morts, capitaine pirate et squelette, Pandora, sa mère vampire charmante et ses compagnons, Fantomate, un chien rouge fantôme grande gueule et d’autres compagnons, comme Marguerite, Créature de Frankenstein plus ronde que grande, qui aime le caca.


Petit Vampire se trouve un nouvel ami dans le premier tome, Michel, un petit garçon élevé par ses grands-parents, dont il réalisait ses devoirs pendant la nuit, malgré les injonctions de ses parents à ne pas se faire connaître des vivants.


Petit Vampire et Michel sont donc le duo principal de ces aventures, représentants des deux mondes, même si l’un ou l’autre se font parfois plus discrets selon les albums.


Leurs aventures sont fantaisistes, le point de départ parfois un prétexte et le déroulé jamais certain, le périple pouvant prendre un nouveau tournant à la page suivante. Dans le tome 2, Michel décide d’apprendre le kung-fu pour se défendre, dans le tome 3 des chiens pourchassés sont pris en charge par le duo, et ainsi de suite, peu importe le scenario, ce sont le cadre, les personnages et quelques rebondissements qui en feront la saveur.


La plupart de ces histoires baignent dans cet univers enfantinement morbide, naïf dans son horreur, même si le monde des vivants a parfois plus d’importance. Ce monde de l’horreur « bouh mais pas peur » est délicieux, Sfar y injectant régulièrement de petites idées facétieuses qui viennent étoffer la composition, en plus d’avoir depuis étendu le cadre avec d’autres dérivés. On y apprend que les squelettes sont grincheux car ils ont des rhumatismes à cause de la mousse entre les os, ou que des pets à réveiller les morts ont justement ce pouvoir.


Cela se fait par petites touches, par petits dialogues ou autres détails dans les planches. Les albums se lisent très vite, les cases sont aérées, les récitatifs rares, le petit lecteur est directement embarqué dans l’imaginaire de ces bandes dessinées. Le grand lecteur doit parfois freiner des pattes, pour mieux ralentir et profiter du trait de Joann Sfar, dans ses grandes années, précis, minutieux, granuleux. Sfar remplit l’espace, mais il en tord aussi les perspectives, il charge les compositions. Avec un personnage aussi réussi que le Capitaine, par exemple, c’est l’esprit de Gustave Doré et des meilleures gravures fantastiques du XIXe qui est invoqué. Un héritage dont Joann Sfar use, s’amuse ou se détourne, avec ses créatures arrondies, jamais effrayantes. Le tout reste lisible, notamment grâce à un très beau travail sur les couleurs, froides et franches, prises en charge par Walter.


Petit Vampire est un des bébés de Sfar, et il en a beaucoup, mais on sent malgré tout que l’univers lui tient à coeur, et pas seulement parce qu’il l’a décliné. Certains de ses thèmes fétiches s’y retrouvent, la tolérance, évidemment, la vie après la mort ou le judaïsme, Michel est un petit garçon juif, format miniature de l’auteur. Autant de petites touches glissées, qui sont autant de reflets de la personnalité de l’auteur mais aussi de son histoire personnelle.


Les aventures sont rarement anodines, mais jamais moralisatrices. Et c’est peut-être dans le tome 4, « Et la maison qui avait l’air normale » que le parallèle avec la réalité est le plus évocateur, avec ce monde parallèle, un passage entre différents peuples et cultures d’autres mondes divisé par la guerre et l’incompréhension de l’autre. Un album cette fois ci vraiment sombre, où la dernière page est signée le 16 novembre 2001. Un album de colère, contemporain du 11 Septembre, qu’on aurait plus imaginé retrouver dans sa série Professeur Bell, et son inspecteur du surnaturel cynique et dangereux (une excellente série à découvrir).


Cédric, le Petit Spirou, Titeuf Kid Paddle, les nouvelles têtes dans la bande dessinée jeunesse de ces années ne manquent pas, et elles sont toujours là. Mais avec Petit Vampire, Joann Sfar en ajoute une nouvelle, avec un sourire si malicieux et un univers si riche que les plus grands peuvent se précipiter dessus et y revenir avec gourmandise.


Et découvrir la série de 2004 et le film de 2020, tous deux de franches réussites.

SimplySmackkk
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Créée

le 26 oct. 2020

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Zbah
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Prout.

Etrange chose que ce petit vampire... Vraiment étrange. Après la lecture du premier tome, je fus plutôt emballé, personnages croquignolesques, trouvailles de situation, univers attachant, et galerie...

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