Shotaro Ishinomori compte parmi les mangaka les plus populaires, les plus prolifiques, et les plus importants de ce jeune média. Alors qu'il fût dans les années 70 un des premiers auteurs arrivés en France – et le premier publié sous la forme d'un volume relié – les éditeurs français semblent aujourd'hui redécouvrir son œuvre, pour le bonheur du lectorat qui ne se satisfait plus uniquement des classiques de Osamu Tezuka. Nous pouvons même considérer que Kana nous fait une fleur en nous proposant l'intégralité d'une de ses séries majeures sous la forme de 4 volumes de près de 1000 pages chacun.

Une des premières particularités de l'auteur, c'est d'avoir vu son trait évoluer énormément au fil des années, passant d'un style proche de celui de Osamu Tezuka – dont il fût l'assistant – à un graphisme plus personnel, plus adulte, qui n'est pas sans rappeler celui de Shingo Araki. Cette évolution s'accompagnera d'une plus grande recherche dans la mise en scène, les décors, et l'ambiance.
Si j'en parle, c'est que cela se ressent énormément dès le premier tome de l'édition de Kana ; nous passons dans les premiers chapitres d'une histoire relativement enfantine, à quelque chose de beaucoup plus fouillé et complexe tandis que les pages défilent. Sabu & Ichi devient rapidement un manga sombre, violent même, un travail sur l'âme humaine et l'époque Edo, et une tentative de l'auteur d'expérimenter de nouvelles façons de raconter des histoires à travers son coup de crayon. Certains chapitres surprennent car ne jouant que sur le dessin et la mise en scène, presque sans parole, avec parfois un jeu de noir & blanc qui n'est pas sans évoquer ce que fera plus tard Frank Miller sur Sin City.

Le scénario général de la série se résume à 4 points essentiels, suffisamment précis pour donner une cohérence d'ensemble mais suffisamment peu nombreux pour laisser le champ libre à Shotaro Ishinomori pour multiplier les trames narratives : Sabu, Ichi, Edo, et la police. Point. Ensuite, le potentiel de l'œuvre dépend du talent de son auteur, et cette œuvre plus qu'aucune autre parue en France nous prouve que, effectivement, il n'avait pas à rougir face au grand Osamu Tezuka.
Chaque chapitre se montre unique en son genre dans l'histoire qu'il raconte et la façon dont elle est racontée, mais tous s'avèrent passionnants ; du moins une fois que le mangaka nous montre avoir atteint une forme de maturité graphique, ce qui arrive rapidement. La construction du manga rappelle celle de Black Jack, et les deux se rejoignent dans leur indéniable qualité.

Sabu & Ichi n'est pas un titre bon marché, en raison de ses 4 volumes à près de 30 euros pièces (pour environ 1000 pages chacun). Mais d'un autre côté, il s'agit du titre le plus représentatif de son travail, de ses thèmes de prédilection et de sa capacité à concevoir une mise en page élaborée. Le découpage en chapitres indépendants permet une lecture sans cesse renouvelée, mais aussi de découvrir chaque volume à son propre rythme. La lecture du premier tome publié chez Kana devrait permettre aux curieux de faire connaissance avec Shotaro Ishinomori, et de se forcer une opinion quant à la poursuite ou non de cette lecture.
Ninesisters

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