Les contes qu'on laisse vivre et ceux qu'on laisse mourir

Ce sixième tome de Sandman est la fin d’un règne, la conclusion d’un mythe qu’on croyait inaltérable. On y assiste, presque impuissant, à la disparition lente d’un être divin qui choisit de ne pas changer, qui préfère disparaître plutôt que d’affronter ce que l’évolution exigerait de lui.

D'ailleurs là est l'originalité de cette fin, c'est qu'elle raconte un long suicide inconscient.

On arrive facilement à lire entre les lignes et les attitudes de notre personnage principal et de ces compagnons. Nous voilà face à la fin, face aux respects de lois immuables.

Ce n’est pas une fin brutale.

C’est une descente, méthodique, presque cérémonielle, vers l’acceptation de sa propre fin.

Ce tome concentre tout ce que Sandman a tissé jusque-là. C’est l’aboutissement, l’addition des fautes passées. La responsabilité. Dream paie ici les conséquences d’actes dispersés à travers tous les tomes. Son orgueil, sa rigidité, son absence d’empathie le rattrapent.

La vengeance et la justice mythologique. Les Bienveillantes incarnent une forme de loi antique, inaltérable, contre laquelle même les Éternels ne peuvent rien.

Le deuil, la filiation, la transmission. Lyta perd son fils. Dream affronte enfin la mémoire d’Orphée. Et Daniel devient à son tour un dieu.

Le renoncement. Le plus grand acte de Dream n’est pas de se battre, mais de renoncer. C’est sa dernière évolution. Ou plutôt, son dernier aveu d’impuissance. Après la mort de son fils, il n'arrive plus à se révéler et on comprend qu'on est face à un mur implacable, qui essaie de se donner le genre de quelqu'un qui ne ressent rien... Qui fini noyer par ces émotions.

Il choisit de mourir, par des fautes qu'il va commettre, en connaissance de cause. C'est terriblement déroutant lorsqu'on finit par le comprendre!

Ce n’est plus une histoire de pouvoir.

C’est une tragédie psychologique, une trajectoire vers l’extinction.

Ce tome est la clef de voûte, mais il déstabilise par son refus de la grandiloquence.

Pas de catharsis héroïque. Pas de rédemption pleine et entière. Seulement une acceptation d’échec, un dernier geste d’abdication. Ce volume est une mort initiatique et la série ne sera plus jamais la même.

J'aimerai vous dire que j'ai adoré ce tome, car il arrive à conclure avec originalité une oeuvre culte... Mais, ce n'est pas le cas... Je comprend qu'on puisse trouver la fin un poil facile. Je trouve au contraire qu'elle est bien écrite, mais on ne peut pas dire qu'elle soit bien originale.

D'autant qu'elle est servie avec certains des dessins les plus laids de toute la série.

On est très loin de l'honneur, d'autant que l'alternant d'artiste nous fait ressentir ce contrats avec beaucoup de force.

Marc Hempel... Pauvre dessinateur sans talent, je ne sais pas comment tu as fait pour te retrouver mal, mais pour le coup, tu t'es attiré les foudres de bien des lecteurs pour nous avoir autant gâcher une fin.

J'ai quand même trouvé ce dernier tome très efficace et il arrive à conclure cette saga d'une belle manière. Le genre de fin douce-amère, qui choisit de se calquer sur une réalité assez crédible.

Nous avons finalement suivit la trajectoire d'un être touchant, en plein changement, qui se noie dans ces obligations pour ne pas regarder en face de gouffre dans son coeur. L'accumulation l'aura tué, mais, ces obligations l'incarnent tellement qu'il fini par quand même penser et tout mettre en place pour qu'une succession advienne.

Voici le "vrai dernier tome", avant le bonus passable du 7ème et il marque la fin d'une histoire de dieu et d'entité supérieur, transpirant d'humanité.