À l’heure de l’Euro 2016 - Championnat d’Europe de Football pour les puristes - voici la nouvelle recrue du catalogue de Ki-oon : un manga de sport, bien évidemment, mais au féminin ! De quoi redonner des couleurs à un genre, le manga sportif, dont le marché français est pourtant très peu friand.


À 14 ans, Nozomi possède un sacré tempérament, indéniablement, mais surtout un talent sans pareil quand elle se retrouve balle au pied : maîtrise technique, rapidité d’exécution, lecture du jeu, puissance de frappe, elle a tout d’une championne. Elle tient ainsi la dragée haute à l’ensemble des membres du club de foot de son collège et compte bien participer au prochain match. D’autant qu’elle doit y retrouver le capitaine de l’équipe adverse, Yasuaki, un ancien camarade perdu de vue voilà cinq ans, et à qui elle a tout appris.


Mais voilà : fille dans une équipe masculine, Nozomi se voit refuser son inscription sur la feuille de match du fait de son sexe. Son entraîneur craint en effet qu’elle ne puisse rivaliser sur le plan physique avec des garçons en plein croissance et ne réchignant pas à aller au contact lors des rencontres officielles. Un interdit tout simplement insupportable pour la jeune fille. Et qu’à cela ne tienne : elle mettra tout en œuvre pour entrer sur le terrain et montrer ce dont elle est capable.


Excellente surprise, Sayonara Football peut se lire selon au moins trois perspectives distinctes, mais c’est au final le faisceau même créé par ces fils entremêlés qui fait l’originalité et la qualité du titre.


On peut le voir d’abord, bien entendu, comme un shonen sportif, et de ce point de vue, on a affaire à un modèle du genre dans lequel le dépassement de soi triomphe dans toute sa splendeur, selon une dramatisation, plutôt mature, parfaitement maîtrisée de bout en bout.


On peut le lire ensuite dans la perspective plus discrète, souterraine, de la romance, puisque autour de notre héroïne gravitent trois garçons et qu’à partir d’eux s’élabore une légère comédie amoureuse. C’est joli, mignon, et sert parfaitement l’intrigue et le propos, mettant en valeur le personnage féminin, au centre de l’attention aussi bien des autres personnages que du lecteur.


On peut le lire enfin, et c’est ce vers quoi le reste converge, dans une perspective sociétale, puisque nous avons là affaire à un protagoniste féminin plongé dans un univers masculin qui lui refuse l’accès à sa passion. De ce point de vue, le tour de force s’avère remarquable. Il confère au titre une portée toute autre, une sorte de supplément d’âme loin des standards des shonens sportifs.


Sayonara Football se démarque de ses concurrents par un autre élément : il ne s’agit pas d’une série-fleuve, comme le genre en fournit régulièrement. Deux volumes seulement, denses, et montant en puissance surtout. Si le premier tome pourra sembler sympathique, mais somme toute banal, le second, qui développe le match lui-même, emporte tout.


Naoshi Arakawa y déploie son art en multipliant les doubles-pages de toute beauté, particulièrement intenses et magnifiant l’action et son héroïne de manière plus que convaincante. La lecture en devient proprement jubilatoire.


Le mangaka n’en est pas à son coup d’essai. On lui doit notamment le remarqué Your Lie in April, sur le thème de la musique. On retrouve dans ces deux titres un même souci de mise en scène du rapport à l’adversité, une même sensibilité et un vrai travail sur l’émotion à susciter chez le lecteur.


Avec un tome 1 sorti au début de la compétition, et un tome 2 à paraît juste avant la finale, les amateurs de foot et de manga devraient être comblés. Mais, vous l’aurez compris, on est bien au-delà du simple titre de circonstance en cette période de frénésie footballistique, même si l’éditeur profite habilement de l’occasion - et il aurait tort de s’en priver étant donné le déficit affectif dont souffre le manga de sport auprès du public français.


Sayonara Football se donne à lire avant tout comme le récit d’une jolie destinée individuelle directement en prise avec nos sociétés contemporaines.


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le 27 juin 2016

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