« Tu skies comme tu vis ».

Le style du dessin de Lewis Trondheim est trompeur. La tête du héros, « Lapinot », prise hors de son contexte, est une blague, et paraît faite pour les enfants, qui s’y tromperaient, justement. En réalité, les textes, les dialogues, les personnalités très distinctes de tous les personnages de l’histoire font de cette BD très agréable un divertissement pour adultes. Le décalage assumé entre le dessin « enfantin » (ou « simplifié sciemment » - type « Le retour à la terre »), « cartoon », et l’ancrage de l’intrigue dans une réalité où les personnages sont amenés à discuter philosophie et psychologie fait mouche : « Je me suis dit que si ce type trichait ici, c’est qu’il le faisait aussi dans sa famille, à son travail et avec lui-même, et que, au bout du compte, il n’y récoltera rien de bon. (…) et moi, si je l’avais renversé, et bien j’ai senti que je n’aurais pas valu mieux que lui ». Ou encore : « Des gens meurent à chaque seconde. C’est comme si tu découvrais que la mort existe vraiment parce qu’elle a été proche de toi ».

Réalité fait de gros clichés, donc d’images fortement enracinées dans la culture, du début à la fin : l’arrêt café – chiottes – gasoil à la station essence avant l’arrivée à la station de ski, le gars malade en voiture, les prix exorbitants des produits (de la station essence à la station de ski), la soirée « jeux de société après une journée de ski éreintante", la soirée en boite de nuit avant le départ…

L’une des réussites de l’album, c’est ce groupe de copains complètement hétéroclite, composé du binoclard – intello, raisonné, le compétitif qui n’est venu que pour skier qui roule des mécaniques et « qui aime dire des vérités mais qui n’aime pas entendre », le réservé (« Lapinot ») avec un gros potentiel sportif et charmant. Et ils skient comme ils vivent, « comme ils sont » : Lapinot ne dévoile son potentiel et un courage digne d’un lièvre sur une autoroute qu’après avoir longuement tergiversé, binoclard – intello ne fait jamais de hors-piste « puisque c’est interdit », quant à Richard le skieur hors pair, rien ne peut l’arrêter.

A lire comme on boirait du petit lait ou de la crème de Whiskey, ça passe vite et c’est juste bon.