Alors que les ventes de Daredevil ne sont pas exaltantes, Marvel tente de réagir grâce à Kevin Smith qui nous pond le très bon Sous l'Aile du Diable. Publié en 1999, ce récit clôt les années 90, pas particulièrement reluisantes pour le diable rouge. Smith va essayer d'oublier le mal et pour ça, quoi de mieux que de revenir aux origines ?
Attention, non pas les origines scénaristiques mais les origines thématiques. Smith veut réaliser un hommage à Miller (1980-83) et va reprendre les nombreuses thématiques que le bonhomme avait développé durant son run. Certains crieront au plagiat, d'autres au manque d'idée. Il est vrai qu'on a un peu ce sentiment de réchauffé qui parcourt tout le récit et c'est difficile de ne pas faire le lien. C'est pour cela que je me permettrait les spoilers dans cette critique. Vous voilà prévenu, maintenant, c'est à vos risques et périls.

La thématique religieuse, déjà présente dans Born Again est donc de retour mais c'est très bien utilisé. Daredevil se a, sur les bras, un enfant, que certains prétendent être le Sauver, et d'autres, l'Antichrist. Né d'une adolescente toujours vierge, il est difficile de démêler le vrai du faux. Une seule certitude : de nombreuses personnes en veulent à cet enfant et, dans le même temps, de nombreux problèmes tombent sur Matt Murdock et ses proches. Et si cet enfant était vraiment le fils de Satan ? Doit-il le protéger ou bien exécuter ce qui risque de toucher ses amis ? Peut-on tuer un enfant qui est une menace ?
La question est d'autant bien traitée que la folie s'empare vraiment du personnage. Daredevil est dans une spirale infernale dans laquelle le rejoignent tous ses proches. Smith, à la différence de Miller, ne va pas créer plein de personnages, mais les reprendre tous et les amener dans des situations problématiques. On revoit ainsi la mère de Matt, religieuse dans un couvent, Karen Page, le grand amour de Daredevil est de retour, mais on n'oublie pas non plus Foggy Nelson, le célèbre meilleur ami de Matt Murdock, Rosalynd Sharpe, son horrible mère et puis bien sur la sensuelle Veuve Noire, Natasha Romanoff.
A ce titre, on ne peut que saluer le travail de Kevin Smith qui vise vraiment de toucher tout l'univers Daredevil, si possible avec des conséquences majeures.

Autre thème déjà employée par Muller : la mort d'une ex. Cette fois, Smith veut aller plus loin en supprimant ni plus ni moins Karen Page, le grand amour de Daredevil. Le but est avoué, exécuter le personnage, l'assassiner par Bullseye. Faire une nouvelle Gwen Stacy.
Malheureusement, dans les faits on a un pétard mouillé, une version amoindrie d'Elektra. Déjà parce qu'il est impossible de ne pas faire le rapprochement : Smith choisissant de prendre le même assassin. Deuxièmement parce que la mise a mort est moins belle. Là où Miller montrait l'horreur d'un combat progressivement perdu par la belle grecque, on a ici une mise à mort rapide et surprenante. Mise à mort d'autant moins intéressante que le combat avec Daredevil est moins beau. Le retour de Bullseyes était attendu, désormais doté d'un squelette en adamantium. Mais c'est finalement très décevant. A tel point que le tireur utilise même une arme à feu, quelle déception ... Notons également que Bullseye massacre une douzaine d'innocents et en blesse autant. Parmi eux, on trouve la mère de Matt. Mais si on croit dans un premier temps qu'elle est morte aussi, au final, elle survit. Dommage pour la mise en scène.
Enfin, pour ce qui est de Karen Page, son retour est très décevant. Bien trop rapidement traitée, elle apparaît tout le long du récit comme un personnage secondaire. Un amour passé qui est de retour mais de manière fugace. Exactement comme Elektra chez Miller. Malheureusement elle n'est pas Elektra et son retour sonne bien faux. D'autant plus que si l'annonce de sa séropositivité est touchante, le traitement n'est pas présent. Plutôt qu'avoir un beau retour du personnage et une vraie difficulté, Smith préfère supprimer le personnage pour marquer Murdock. Malheureusement, celui-ci ne semble pas ressentir une haine digne de l'horreur de l'acte. Quand on compare à la mort d'Elektra, là encore on est déçu.
Globalement Karen Page est un personnage très mal utilisée dans ce récit. On ne s'attache pas à elle et son utilisation graphique laisse souvent à désirer.
A l'inverse, le personnage de Natasha Romanoff, la Veuve Noire, est bien plus plaisant que ça soit au niveau scénaristique ou graphique. Très mignonne, on pourra regretter le manque de sérieux qui est le sien, donnant un aspect ridicule au personnage mais le rendant également plus intéressant. C'est aussi grâce à elle que la série gagne un ton plus doux par moment, même amusant.

Enfin, dernier point qu'on est forcé de comparer : toute l'histoire. Mystério décide de rendre fou Daredevil, de tout lui enlever, de le faire chuter dans la démence, exactement comme le Caïd. C'est justement ce dernier qui vend (pour 1 million ou 10 000 dollars selon la version) tous les secrets de Daredevil, ayant perdu son empire, il a besoin de se refaire une santé.
Outre le fait qu'un méchant aussi looser ne pourrait jamais faire tout ce que fait Mystério (immeuble, dizaines d'hommes de main, des tonnes de drogues, les secrets du Caïd), on est là encore forcé de comparaître. Si le résultat est largement en-deçà du traitement du Caïd les motivations sont très bonnes. Ne souhaitant pas mourir dans l'anonymat, Mystério veut être exécuter par Daredevil, il veut le pousser à bout et mourir de ses mains. Mourir dans la lumière, voilà un rêve qui est typique de Mysério. Le personnage est ainsi très réussi, certes toute sa mise en scène paraît ridicule mais colle finalement parfaitement avec le personnage. Et malgré le long monologue qu'il fait lors de sa fin, il n'en reste pas moins particulièrement réussi.
Son plan était moins bon que celui du Caïd et Kevin Smith se sert de Mystério pour justifier l'aspect réchauffé de son récit, mais il a réussi à rendre le personnage diablement intéressant. De plus, dans la catégorie résultat marquant, en plus de la mort de Karen Page et de la création d'un nouveau cabinet d'avocat pour Murdock et Nelson on a quand même le suicide de Mystério.

On appréciera la présence de personnages secondaires plus ou moins réussi. Du caméo de Ben Reilly à un Peter Parker assez moyen en passant par un excellent Dr. Strange qui invoque un Mephisto très intéressant on a une palette très riche de personnage. On retrouvera même Turk, quel plaisir.
La mise en page est souvent réussie et les cases très lisibles. On regrettera l'aspect facile du récit, le côté très artificiel de certains passages et le long monologue justificatif de fin. L'aspect cheaté de Strange peut aussi paraît bien trop facile pour faire progresser le récit. Cette folie de Daredevil semble sous-exploité, exactement comme le personnage de Karen Page, pourtant central mais en-dessous de tout.
Pour ce qui est du dessin c'est très réussi la plupart du temps, quelques personnages sont cependant bien moches et d'autres carrément réussis. C'est globalement plutôt bien, quelques rares moments très bons et quelques autres ratés, mais ça va principalement.

Le plus important est finalement la justesse d'écriture de Matt Murdock, particulièrement bien réalisé. Matt est vraiment mis en avant, plus encore que Daredevil. Son rapport à dieu, à sa mission, à la paternité, tout cela est mis en évidence. Sa foi, sa moral, tout est bien traité. Si on regrette que Daredevil ne subisse pas plus la mort de Karen, Matt Murdock le fait à sa place.
Mysterio et Matt Murdock sont vraiment très bien traités tout le long du récit.

Malgré le côté profondément artificiel de certains moments, les quelques erreurs de dessins, rares, mais présentes et surtout des clins d’œils qui frôlent le plagiat et le manque d'idée (la mort de Karen Page par Bullseye quoi), on a globalement une des meilleures écritures de Matt Murdock, un très bon rapport avec la Veuve Noire, un scénario empli de folie, une vraie envie de changer la donne et une remise en lumière de Mystério.
Pour tout ça, Daredevil : Sous l'aile du Diable mérite son 8.
mavhoc
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le 8 févr. 2015

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mavhoc

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