Avec Sous le soleil de minuit, Canales et Pellejero replacent le mythique Corto Maltese sur le devant de la scène. Une oeuvre réussie, relevant d'après moi les défis majeurs graphiques et scénaristiques que cette reprise augurait.
Sont retrouvés les aspects baroudeur, charismatique et romanesque de mon antihéros préféré, avec peut être un moins sur ses côtés poétique et énigmatique. L'intrigue reste mêlée à des icônes historiques (Jack London, Matthew Henson), non sans rappeler le roman Viva de P.Deville (à lire!), ce qui apporte une dimension supérieure au récit. Des remarques moins positives néanmoins sur certains points, notamment peut être dans l'excès de zèle de Canales qui donne parfois l'impression d'un "oui c'est bien Corto vous avez vu j'ai bien appris mon cours". En effet les facettes du caractère du personnage sont souvent exagérées, par exemple à propos de son comportement d'apatride sans engagement souvent souligné avec un peu de lourdeur. Disons que quand Pratt le laissait entendre ou le faisait exprimer par d'autres personnages (Bouche Dorée, Pandora) Canales le fait sortir de la bouche de Corto. Ça n'est peut être qu'un détail mais Corto parait dans ce sens conscient de la légende qu'il engendre et s'exprime parfois comme s'il avait quelque chose à prouver ou un rôle à jouer. Un interprète plutôt qu'un original en somme...
Autre chose, il est bon de retrouver Corto l'humaniste qui oriente sa vie au gré de rencontres, seulement certaines ne sont pas absolument nécessaires; je pense au petit Caribou qui lui aussi surjoue son rôle, ou encore à la séquence Raspoutine (pour lequel Corto enchaine les surnoms : Ras, Raspa, le russe...) qui n'apporte rien et apparait un peu comme une contrainte imposée.
Pour ce qui est de l'esthétique visuelle, c'est du bon boulot de la part de Pellejero, qui colle bien à la ligne de Pratt tout en apportant son style graphique. Pour ceux qui trouveront son trait trop calqué sur celui du père de Corto Maltese, je répondrai qu'il est certes approchant (l'inverse aurait été frustrant) mais que le noir et blanc est une technique bien connue et maitrisée du dessinateur, et je vous invite à lire Dieter Lumpen.
Au final, une oeuvre tout de même réussie au vu de ses défis, mais perfectible. Evidemment cette BD aurait pu être plus largement appréciée sans l'inévitable comparaison avec le magnifique univers de Pratt.

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le 3 oct. 2015

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