Spirale
7.9
Spirale

Manga de Junji Itō (1998)

En général, je ne suis pas très friand de mangas d'horreur. Non pas que j'en aie peur, mais plutôt parce que les histoires japonaises de ce genre ne parviennent généralement pas à susciter en moi les émotions horrifiques que je recherche. Par exemple, les films comme "The Ring" et les récits sur les fantômes ne me font aucun effet. Je suis même tenté de dire qu'aujourd'hui, une œuvre cherchant à provoquer de l'angoisse doit innover pour captiver le lecteur. Je ne dis pas qu'il faut abandonner complètement les histoires de fantômes, mais elles ne correspondent pas vraiment aux attentes actuelles. Cependant, elles pourraient revenir sur le devant de la scène, à l'instar de la popularité récente des zombies. Il faudrait donc trouver de nouveaux thèmes, quelque chose d'original pour impressionner ou surprendre le public. Il est important de noter que certains vieux films d'horreur sont aujourd'hui assez risibles, ce qui montre que notre perception de l'horreur évolue, comme si nous nous étions habitués à ce genre.


Maintenant, pourquoi ce discours d'introduction étrange ? D'une part, pour coller à l'ambiance d'Halloween, mais aussi parce que j'ai la prétention de vous recommander ce manga pour célébrer cette période de manière appropriée !


Oui, rien que ça. En seulement trois tomes, ce manga nous plonge véritablement dans un monde inquiétant, en décrivant les événements de plus en plus étranges dans la petite ville de campagne de Kurouzu, à travers le témoignage d'une jeune fille. Cette œuvre, bien que datant un peu, bénéficie désormais d'une réadaptation sous la forme d'un gros volume intégral regroupant les trois tomes !


Il est important de souligner que "Spirale" n'est pas exempt de défauts, mais je pense aussi qu'il possède de nombreux atouts pour en faire une lecture incontournable, surtout en cette période.


Comme je l'ai mentionné précédemment, il est crucial que le lecteur soit surpris par l'histoire qu'il s'apprête à découvrir. "Spirale" offre dès le départ une ambiance très particulière, quelque chose qui m'a pris aux tripes et m'a vraiment donné envie d'en savoir plus, attiré par l’œuvre comme une spirale nous attire vers son centre.


Cette ambiance est d'abord apportée par le style graphique. Les dessins ont certes vieilli, mais à peine, et je n'ai personnellement pas eu besoin de m'habituer à eux. Cela démontre que pour l'époque, ils étaient vraiment remarquables, et le trait est si travaillé qu'on pourrait presque penser que le manga est beaucoup plus récent qu'il ne l'est en réalité. Il ne fait pas son âge, et c'est un compliment ! Je n'insisterai pas davantage sur ce point, car il est temps d'aborder une particularité qui contribue grandement au charme graphique de "Spirale".


Cette œuvre ne cherche pas à être sombre, comme beaucoup d'autres du genre, mais elle se contente au contraire de paraître le plus étrange possible. Cela crée une ambiance très particulière, nous plongeant dans un monde inconnu. Les visages sont vieillots, tout comme le reste des dessins, mais ils sont très bien réalisés, en particulier au niveau des expressions du visage, qui vont de l'étonnement à la peur, en passant par la crainte, l'angoisse et la folie, un panel très varié et reconnaissable au premier coup d’œil.


L'ambiance est également unique dans le sens où elle ne cherche pas à choquer le lecteur avec des scènes de violence exagérée. Contrairement à d'autres mangas d'horreur, "Spirale" nous fait voyager dans l'horreur à sa manière ! C'est d'ailleurs assez ironique d'évoquer le mot "sang", car on sait que les Japonais en mettent souvent des tonnes, pour paraître effrayants ou sérieux. Cependant, ici, le liquide rouge est rarement utilisé de manière horripilante. Bien sûr, il apparaît, mais les scènes censées être horrifiques cherchent à provoquer une autre réaction chez le lecteur, de façon plus subtile. L'exagération est toujours présente, mais sous une forme plus travaillée.


Je suis donc totalement séduit par le côté visuel de cette œuvre, qui se distingue des autres et montre que son style est aussi efficace que celui des autres mangas du même genre. Cette patte graphique pourrait faire des envieux, car elle rassemble un style unique tout en maîtrisant les bases, comme la représentation des expressions faciales. ("Le Manoir de l'Horreur", sorti quelques années après, ne peut pas se vanter de fournir la même qualité à ce niveau-là.)


Cependant, j'ai remarqué une petite anomalie : pendant les cinq premières pages, l'héroïne est brune, puis par la suite, elle a les cheveux beaucoup plus clairs, voire blonds... Une petite erreur qui sera probablement corrigée lors de la réédition prévue dans quelques temps. (Du moins, je l'espère.)


En ce qui concerne le thème, il est nécessaire pour tout récit d'horreur, qu'il s'agisse d'un film, d'un roman ou même d'un manga. C'est une obligation du genre. Par exemple, "Dracula" parle des vampires, "La Nuit des Morts-Vivants" des zombies, "L'Exorciste" de la possession démoniaque... Mais de quoi parle "Spirale" ? Derrière ce titre étrange se cache bel et bien un thème, même si le format des chapitres ressemble à celui de l'émission "Chair de Poule", en proposant plusieurs petites histoires. On découvre petit à petit qu'il s'agit d'une malédiction, plus précisément appelée "La Malédiction de la Spirale". Sous ce nom aussi étrange que le titre de l’œuvre se cache en réalité quelque chose de profond que je ne peux pas expliquer sans vous spoiler une partie importante de l'histoire. Il est important de noter que le terme de "malédiction" n'est pas introduit dès le début ; il est progressivement amené à travers une série de petites nouvelles. Ensuite, le manga révèle graduellement les tenants et les aboutissants de cette malédiction, ce qui la rend crédible. Puis, pensant que ces petites histoires n'ont aucun lien réel entre elles, nous avançons dans le manga en nous posant toujours autant de questions, jusqu'à ce que les réponses nous soient livrées tout au long de l’œuvre. Toutefois, il ne s'agit pas de jouer aux détectives amateurs en feuilletant le manga plusieurs fois pour échafauder des hypothèses. Le final nous éclaire subtilement sur le pourquoi du comment, ce qui rend tout plus clair à nos yeux.


En ce qui concerne les petites histoires, les trois tomes sont assez différents les uns des autres en raison de la progression qu'ils utilisent. Le premier tome sert d'introduction courte et met en scène les personnages principaux à travers une série de petites histoires. Ensuite, le deuxième tome reprend la même progression dans sa première moitié, puis ajoute une histoire plus importante qui se poursuivra dans le tome suivant. Le dernier tome, tant attendu, conclut "Spirale" de manière théâtrale... Les plus observateurs remarqueront clairement qu'il s'agit d'une critique acerbe de la société actuelle, où chacun cherche à se faire remarquer par les autres... Mais je n'en dirai pas plus, car tout deviendra plus clair à la fin...


Cependant, j'ai mentionné un élément qui rend la malédiction crédible. En effet, c'est bien amené, mais malheureusement, si la psychologie des personnages avait été un peu plus travaillée, cela passerait beaucoup mieux. Nous suivons un couple d'adolescents sans véritable personnalité, comme s'ils étaient eux aussi de simples spectateurs. C'est assez frustrant. Certes, ils paniquent parfois et doivent trouver des solutions aux problèmes qui se présentent à eux, mais ils sont tellement vides, tellement ordinaires que j'ai eu envie de suivre les personnages secondaires à certains moments. Ils s'adaptent trop rapidement à leur situation, ce qui peut être un bon point pour ne pas tourner en rond trop longtemps. Le héros, bien qu'il ne soit pas toujours présent, relève un peu le niveau. C'est un jeune homme normal qui devient de plus en plus superstitieux en raison de problèmes familiaux, ce qui le plonge parfois dans un état proche de la dépression. Il est torturé, pas très fort, mais parfois lucide et capable de trouver des solutions adaptées, notamment à la fin.


Pour en revenir à ce qui peut être gênant, le format en petites histoires du début du manga présente un petit problème en termes de réalisme de l'univers... Quand un événement très étrange se produit dans un autre manga, on trouve souvent des passages où le monde est informé de cet événement, comme lorsque des personnages regardent le journal télévisé ou en discutent entre eux. Dans "Spirale", il semble que les gens ne communiquent pas entre eux après leurs journées respectives. On a presque l'impression que toute l'histoire est imaginée ou rêvée... Un garçon pourrait se mutiler et personne n'en parlerait le lendemain ! Tout le monde irait à l'école comme si de rien n'était. Comme les histoires s'enchaînent rapidement, on ne fait pas trop attention à ce détail, mais cela m'a tout de même frustré. Ils pourraient au moins évoquer l'événement, cela pourrait même servir de prétexte à des hypothèses de la part de nos héros. Au lieu de cela, le manga gagne du temps sur cette question... Après réflexion, cela pourrait être une critique de la société, ce qui s'ajouterait bien à celle déjà mise en place. Ce n'est donc pas nécessairement un défaut, mais plutôt un petit vide dans le manga sur lequel je tenais à revenir.


En résumé :


Les points positifs :


Un thème intéressant, novateur et très bien traité, offrant une ambiance unique tout au long de l’œuvre.

Des séries de nouvelles dérangeantes, suivies d'une histoire plus conséquente concluant parfaitement la série.

Une véritable critique de la société, clairement présente et bien expliquée à la fin.

Des dessins de qualité, bien que datés, qui contribuent à l'atmosphère de l’œuvre.

Les points négatifs :


La psychologie des personnages est banale, voire bâclée pour l'héroïne.

Les personnages dans cette œuvre ne communiquent pas suffisamment entre eux au sujet des événements importants autour d'eux. Cela peut servir à faire avancer l'histoire, mais j'ai été frustré de cette lacune.

Que ce soit pour Halloween ou non, je suis totalement conquis par ce manga. Ces quelques défauts ne peuvent en aucun cas éclipser ses nombreuses qualités, au point que ces petites maladresses semblent presque invisibles. Après ma lecture, j'ai découvert que l'auteur, ancien technicien dentaire, s'était fait connaître dans le milieu du manga en remportant le prix Kazuro Umezu. C'est avec son œuvre "Tomié", gagnante dans la revue Gekkan Halloween, qu'il a commencé à se faire un nom. Après "Spirale", j'ai hâte de découvrir d'autres de ses œuvres, car celle-ci a véritablement apporté une aura très spécifique. L'auteur a un style bien à lui qui lui va très bien.


Vous tenez donc ici le "manga pour Halloween", mais attention, il ne vous fera pas peur ou sursauter en tournant les pages (ce qui serait assez étrange). Non, ici, il s'agit vraiment d'horreur, cherchant à perturber le lecteur avec des aspects morbides. Cependant, l'horreur étant une affaire de sensibilité personnelle, je recommande ce manga à tous (sauf aux plus jeunes susceptibles d'avoir des cauchemars). Il propose une histoire peu banale avec une réflexion intelligente sur "le regard des autres", sans pour autant entrer dans des débats psychologiques complexes, restant simple et accessible. Une œuvre bien réalisée, intelligemment interprétée, et qui mérite d'être lue. Tout comme les habitants de la ville décrite dans le manga, vous serez aspiré par la Spirale, et je pense que vous aussi, vous serez attiré par cette malédiction des plus alléchantes... Mouhaha !

KumaCreep
9
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le 20 mars 2013

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KumaCreep

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