Ce tome fait suite à The Wicked + The Divine - Tome 02: Fandemonium (épisodes 6 à 11) qu'il faut avoir lu avant. Il faut avoir commencé par le premier tome car il s'agit d'une histoire complète en 9 tomes. Celui-ci comprend les épisodes 12 à 17, initialement parus en 2015/2016, écrits par Kieron Gillen. L'épisode 12 a été dessiné et encré par Kate Brown, le 13 par Tula Lotay, le 14 par Jamie McKelvie, le 15 par Stéphanie Hans qui en a également réalisé la mise en couleurs, le 16 par Leila del Duca avec une mise en couleurs de Mat Lopes, et le 17 par Brandon Graham. Matthew Wilson a assuré la mise en couleurs des épisodes 12 à 14 et 17. Ce tome comprend également 4 histoires d'une page dessinée par Jamie McKelvie, consacrées à Innana, Tara, Amaterasu & Brunhilde, et Dyonisus contemplant une personne dans un lit d'hôpital. Suivent les couvertures variantes réalisées par Kate Brown, Tula Lotay, Grimes, Stéphanie Hans, Leila del Duca et Brandon Graham. Le tome se termine avec 9 pages revenant sur le processus de création d'autant de pages, ainsi que l'explication de l'épisode remix.


Dans des extraits vidéo, Laura Wilson parle d'Innana, puis de Cassandra : Beth, Robin et Toni (les 3 assistants de Cassandra Igarashi) sont en train de chercher des morceaux intéressants dans les rushs. Beth retrouve quelques images où Laura s'engouffre dans un tunnel de métro à la recherche de Morrigan, rien d'utilisable. Beth, Robin et Toni ont décidé de se rendre à la résidence d'Innana pour filmer la foule venue se recueillir. Dans un éclair, Baal Hammon (Valentine Campbell) apparaît dans les décombres, lui aussi venu se recueillir. Quelques instants plus tard, il repart avec un autre éclair. Cela donne une idée à Beth qui envoie un texto sur son téléphone. Baal apparaît à l'instant devant les 3 apprentis journalistes. Il demande à Beth ce qu'elle veut. Quelques moments plus tard, Baal Hammon répond aux questions de Beth dans une interview vidéo : son ressenti sur la mort d'Innana et ses réactions. En échange, Beth, Robin et Toni se rendent dans la même station de métro que celle qui apparaissait dans le rush. Beth s'élance sur les voies et s'avance dans la pénombre du tunnel. Alors qu'une rame approche, elle fait appel à Morrigan, et rajoute un s'il-te-plaît pour la forme.


Tara (Aruna) donne un concert à la salle Roundhouse. Elle profite de l'ambiance de la salle pour interpréter une de ses propres compositions, mais l'ambiance retombe aussitôt. Même les membres de son groupe sont contre elle et exigent qu'elle recommence à chanter sous l'inspiration divine. Elle se souvient de sa vie avant sa transformation en créature divine : les sifflets des garçons incapables de la voir autrement que comme une superbe jeune femme, sa volonté de réussir dans la chanson sans jouer sur son physique, l'apparition de d'Ananke. Woden (David Blake) réfléchit à sa prise de conscience qui s'est produite quand Kerry l'a menacé d'un revolver à bout portant. Il se souvient avoir même pensé qu'il méritait de mourir, juste avant que Minerva (Mini) n'intervienne. Il se souvient aussi de ses nombreuses conversations avec Ananke, et de sa mission pour elle consistant à contacter Cassandra Igarashi. Amaterasu (Emily Greenaway) se souvient d'un moment de son enfance, se rendant à l'école. Au temps présent, elle se trouve au temple de Meiji à Tokyo. Elle interrompt sa balade pour répondre à son téléphone, puis se téléporte dans un hôpital privé en banlieue de Londres où elle retrouve les autres (Baal Hammon, Woden, Ananke, Amaterasu, Sakhmet) devant le corps de Tara. Plus tard, Marian se souvient des circonstances de sa transformation en Morrigan et de sa relation avec Cameron (Baphomet). Enfin Sakhmet se laisse envahir par ses instincts félins.


Après le final incroyable du tome 2 (plus encore que celui du tome 1 qui était déjà brutal), le lecteur se demande ce que peut bien lui réserver la suite. Il commence par constater que le rythme de parution a eu raison de Jamie McKelvie et qu'il absent pendant 5 épisodes. Il commence par découvrir les dessins de Kate Brown, illustratrice de plusieurs comics pour enfants. La mise en couleurs avec des teintes pastel est inattendue, mais bien choisi pour des dessins au degré descriptif assez simplifié, effectivement tout public, avec des traits de contours très fins, parfois cassants. La narration visuelle gagne en chaleur par rapport aux pages de McKelvie, mais tous les personnages ont des visages de très jeunes adolescents, voire d'enfants. Le lecteur passe avec plaisir à l'épisode suivant pour retrouver l'extraordinaire artiste Tula Lotay, ayant précédemment magnifié un récit exceptionnel de Warren Ellis : Supreme: Blue Rose (2014). La narration visuelle redevient adulte, avec une sensibilité féminine visible dans la manière de dessiner les personnages et de rendre compte des décors, sans être féministe ou doucereuse. Tara est magnifique sans que la dessinatrice n'éprouve le besoin de jouer sur la sexualisation de son corps, ou d'exagérer ses courbes. Sa souffrance est visible, sans exagération non plus de ses expressions de visage ou de ses postures. Matthew Wilson a adapté sa mise en couleurs pour être en phase avec ces dessins, sans pour autant singer celle de Tula Lotay.


L'épisode 15 est illustré par Stéphanie Hans qui a aussi collaboré avec Kieron Gillen pour la série Die, avec une sensibilité tout aussi féminine, mais des dessins plus vigoureux, une mise en couleurs plus hardie, une approche plus spectaculaire, cohérente avec la discussion animée entre Amaterasu et Urör. Le lecteur apprécie également la justesse avec laquelle elle transcrit l'impression donnée par les environnements japonais, sans avoir besoin de recourir à des tracés photographiques. Après un épisode peint à l'infographie, le lecteur passe à un épisode dessiné à l'encre, par Leila del Duca, la dessinatrice de l'excellente série Shutter de Joe Keatinge. Le rendu est plus classique, avec un trait un peu plus souple, pour un rendu plus gothique, avec des personnages adolescents, mais qui ne donne pas l'impression d'avoir entre 10 et 13 ans. Le lecteur perçoit bien les émotions de Marian et de Cameron, leur défiance vis-à-vis de la normalité, mais aussi leur insécurité de pouvoir ainsi s'aventurer dans un mode de vie non conformiste. Le dernier épisode donne une impression encore très différente, avec des formes détourées par un trait fin beaucoup plus souple et moins cassant, une vision de la réalité qui donne l'impression d'être simple sans être simpliste, avec des contours faciles à lire, tout en présentant certaines irrégularités. Toutefois Brandon Graham ne s'est pas autant lâché que dans son atypique série collaborative de science-fiction John Prophet. L'épisode 14 est très atypique : il porte le nom de re-remix et est essentiellement constitué d'un collage de cases des épisodes 1 à 11, réappropriées et remontées, comme pour un remix visuel, pour un résultat comportant un pourcentage un élevé de têtes en train de parler, mais racontant clairement l'histoire.


Depuis le début de la série, Kieron Gillen a l'art et la manière de prendre le lecteur à contrepied. Au départ, l'intention semblait évidente : utiliser une métaphore pour parler de cet âge de la vie où tout est possible, où le jeune adulte peut expérimenter, profitant de son autonomie. Mais dès le premier tome, le scénariste a introduit un meurtre (plutôt 2 en fait), entremêlant une enquête à la métaphore. Dans le deuxième tome, le lecteur s'est rendu compte qu'il n'avait pas encore pu s'investir émotionnellement dans tous les personnages (12 divinités plus quelques personnages secondaires) et l'harmonie ne régnait ni entre les divinités, ni entre elles et leurs fans. Qui plus est, Ananke semblait tirer les ficelles dans un but non avouable. Dans ce troisième tome, il se rend compte qu'il reconnait plus facilement les nombreux personnages, qu'il peut dire comment ils sont liés entre eux, et quelles sont leurs motivations pour la majeure partie d'entre eux. Il se sent donc plus impliqué et investit dans le récit. Comme dans le tome précédent, il ressent toujours que l'histoire comprend plusieurs composantes et qu'il souhaiterait parfois que la narration soit plus ramassée.


À sa grande surprise, le lecteur constate que l'intrigue relative au meurtre et à d'autres morts par assassinat progresse rapidement : il survient d'autres morts, Ananke continue à dévoiler ses agissements, et le rôle de Woden est révélé au lecteur. Au-delà du meurtre survenu dans le premier tome, le lecteur se rend compte qu'il y a un enjeu fort (non explicité encore) dissimulé, très intrigant. Dans les épisodes 13 à 17, Kieron Gillen consacre du temps à développer la personnalité de plusieurs divinités : Tara (Aruna), Woden, Amaterasu, Morrigan et Sakhmet. Le lecteur peut avoir un aperçu de leur vie avant d'être transformé, victime d'une forme d'oppression différente pour chacun d'entre eux, permettant de comprendre leur comportement après leur transformation. En fonction de sa sensibilité, le lecteur sera plus touché par l'un ou par l'autre. Kieron Gillen réussit un portrait dramatique de Tara, montrant comment sa divinité ne lui a pas permis de dépasser la forme d'oppression qu'elle subissait, l'augmentant plutôt sous une autre forme. C'est un épisode poignant à bien des égards, mettant en lumière le prix à payer pour cette forme de célébrité non désirée. En outre les dessins de Tula Lotay sont en phase parfaite avec ces tourments. Le scénariste surprend à nouveau son lecteur quant à l'effet de la divinisation. L'épreuve de la transformation provoquée par Ananke semblait indiquer qu'elle servait à révéler l'identité réelle des uns et des autres. Ces épisodes laissent entendre que cette transformation ne fonctionne pas exactement comme ça et que recevoir les attributs d'une divinité peut se révéler être un fardeau, pas seulement du fait d'une durée de vie réduite à deux ans. Le lecteur peut y voir la métaphore de la transformation de l'adolescent en un adulte aboutissant à une personnalité différente, ne correspondant pas à celle qu'aurait souhaité ou qu'avait imaginé l'adolescent. Il peut aussi y voir le fait que l'adulte devra lui aussi composer avec les attentes de la société et s'y conformer pour tout ou partie.


Décidément cette série continue à défier les attentes du lecteur. Pour commencer, elle accueille d'autres dessinateurs pour donner le temps à Jamie McKelvie de peaufiner ses épisodes. Le lecteur peut estimer que Kate Brown est en déphasage par rapport à la nature, de la série, puis il tombe sous le charme sophistiqué et délicat de Tula Lotay, sous celui plus franc et chatoyant de Stéphanie Hans, sous celui un peu différent et décalé de Leila del Duca, et sous celui affirmé et habile de Brandon Graham. Même s'il n'apprécie ni les remix ni le réemploi, il convient que le recyclage de cases de épisodes précédentes est fait avec adresse et pertinence pour l'épisode 14. Le scénario continue d'être touffu, évoluant dans plusieurs registres et plusieurs niveaux, mais toujours aussi fin et intelligent, pour un récit qui ne part pas là où on l'attend, sans pour autant s'égarer ou être hors sujet.

Presence
10
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le 8 sept. 2019

Critique lue 112 fois

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