Supermurgeman - L'intégrale
6.3
Supermurgeman - L'intégrale

BD franco-belge de Mathieu Sapin (2018)

Pastiche à la sauce Sapin des vieux illustrés

Tu veux du Mathieu Sapin ? Il y en a pour tous les goûts.


T’es petit, mignon et trognon, un peu enfant sur les bords mais faut pas te prendre pour une andouille ? Pour toi je te propose de la Salade de fruits, une Sardine de l’espace et Akissi.


T’es grand, t’aimes la BD mais tu veux pas perdre ton temps trop pressé alors il faut que ça te serve à quelque chose la lecture ? Ben lis Feuille de Chou : journal d’un tournage, les coulisses dessinées du film Gainsbourg, vie héroique, Campagne présidentielle et Le Château où il raconte la campagne de François Hollande et sa présidence ou Gérard, cinq années dans les pattes de Depardieu, en compagnie du monstre français du cinéma.


T’aimes pas la BD ? Ben c’est bien dommage, mais il a écrit et réalisé Le Poulain, ça peut peut-être te plaire.


Et encore tellement de cases (hoho) dans lesquels Mathieu Sapin se glisse, pour d’autres sujets, d’autres genres.


Dans la marge, il y a sa série Supermurgeman, qui a sa page Wikipédia mais qui dit plein de bêtises alors bon, voilà quoi. Il aurait suffit de lire un peu mieux cette intégrale pour éviter de bafouiller, il y a un petit historique dessiné à la fin super sympa.


Cette intégrale n’en est d’ailleurs pas vraiment une, puisqu’elle ne contient pas les premiers gags du héros parus dans Psykopat et réunis en recueil chez Les Requins marteaux. Et l’intégrale c’est chez Dargaud. C’est un peu dommage, ces petites histoires humoristiques sont vraiment drôles, la douce folie de l’univers supermurgemanien explosant d’autant plus à la face faussement innocente du lecteur.


Supermurgeman, c’est le héros local d’une petite île des mers du Sud. Un Tarzan un peu bedonnant, sans les lianes, le slip qui remplace le pagne, et un loup qui rappelle le bon vieux Fantôme. C’est le bon héros, un peu naïf, souvent serviable, qui arrive toujours à se sortir des embûches. Une gorgée de Supermurgebière et il est encore plus fort, heureusement il a toujours une canette dans son slip.


Cet héros « vieille école » dans son assurance naïve ou dans son phrasé un peu daté de vieux illustrés a son fidèle chien, Sultan, mais aussi sa femme, Sheila. Douce et gentille femme au foyer (au moins dans les deux premiers tomes) qui tient leur maison, un ensemble tout équipé dans la jungle, sans les murs.


Tout un petit monde s’est crée autour de lui, des personnages récurrents qui traversent les pages. Il y a le petit Nourredine, petit garçon souvent plus avisé que les adultes, le shérif de l’île, très bonne pâte, le professeur Tannenbaum, savant et scientifique un peu las de cette vie îlienne, Monsieur Marron, ennemi juré de Murgeman (selon lui) et les représentants de la SOFROCO GEDEC. Bons petits soldats en col blanc du capitalisme, leurs plans pour faire intégrer aux habitants de l’île les valeurs du marché ou mieux les exploiter sont toujours de bons moments.


Trois albums pour trois grandes aventures, mais résumer chacune est bien hasardeux. Évoquer l’étranger qui sème la zizanie dans la première (et Sultan malade et l’émission de téléréalité et les biscuits vivants et…) puis les espions soviétiques de la suivante (et le billard et le les zombies communistes et la dictature et...) pour terminer par la disparition de Sultan (et le mystère du frigo et les éditions Atlaz et les lutins et le faune des fruits et...) serait un peu trop cavalier et réducteur. Avec Mathieu Sapin, il y a toujours plusieurs pistes, plusieurs idées, qui se croisent ou se rejoignent, dans un joyeux bordel un peu farfelu, aux retournements nombreux et surprenants. Il est impossible de savoir où nous serons emmenés, chaque case pouvant être un tremplin pour ailleurs, pour une nouvelle scène, et pourtant tout se tient, tout se ficelle à la fin, même si c’est parfois un peu absurde.


Quelques commentateurs ont parlé de parodie, et c’est vrai que l’auteur joue avec certains clichés ou d’autres vérités à considérer comme telles, peu importe leur abracadabranterie. Mais c’est un humour assez ambivalent, parfois fin, qui adore le décalage, les pas de côtés, parfois plus grossier, Supermurgeman ayant comme super-pouvoir un super-vomi dont il ne se prive pas.


Supermurgeman est d’autant plus drôle avec son humour décalé, sans avoir l’air d’y toucher, mais malgré tout bienveillant. Dans le troisième épisode, La fuite des cerveaux, le bon héros est maintenant présenté comme un benêt, encore plus inconscient de ce qui se trame autour de lui, notamment les évidentes infidélités de Sheila. La narration est d’ailleurs encore plus décousue, fragmentaire et hachée, à un point de tension certainement atteint. Mathieu Sapin semble s’être lassé de son univers et même si quelques personnages secondaires apparaîtront dans d’autres de ses albums il faudra près de 15 ans pour qu’une nouvelle aventure sorte, Opération Sheila.


Publiée en même temps que cette intégrale qui, décidément, avait déjà le nom caduque à sa sortie.


Avec son trait faussement enfantin, ses couleurs simples, sa mise en scène un peu plate et ses compositions en damier, les aventures de Supermurgeman offrent des planches trompeuses. Un feuilletage rapide pourrait évoquer un style un peu désuet, « vieux illustrés », et un ton pour les enfants. Perdu. Même s’il est difficile de ranger Supermurgeman, Mathieu Sapin est avant tout doué pour la douce folie de ses histoires et pour le ton pince sans rire de ses dialogues.


Tu aimes ce que tu as lu ?


Lis Supermurgeman (et aime ou déteste).

SimplySmackkk
7
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le 22 févr. 2022

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SimplySmackkk

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