Quand vous êtes un héros de bande dessinée, l’aventure finit toujours par vous rattraper. Prenez Lucky Luke, par exemple. Même quand il vient passer ses vacances à Nitchevonada, le patelin le plus calme de tout le Kansas, afin de s’y ressourcer en toute tranquillité, les ennuis ne tardent pas à lui retomber dessus. Tout d’abord, ce sont les inévitables frères Dalton qui débarquent dans le saloon de Nitchevonada, suivis de près par un notaire qui annonce à Lucky Luke qu’il est désormais l’un des hommes les plus riches de Louisiane. Suite au décès de Madame Constance Pinkwater, une vieille dame qui n’avait pas d’héritier et qui était une grande admiratrice du cow-boy solitaire, celui-ci hérite en effet d’une immense plantation de coton. Peu désireux de quitter sa vie de gardien de troupeaux, Luke décide malgré tout de se rendre jusqu’en Louisiane pour prendre possession de l’héritage et le redistribuer aux employés de la plantation. Mais on s’en doute: les choses ne vont pas tout à fait se passer comme prévu. Car dans le Sud des Etats-Unis, Lucky Luke découvre la triste réalité de la ségrégation raciale. Et il ne tarde pas à se rendre compte aussi que les autres planteurs blancs, qui sont tous membres du sinistre Ku Klux Klan, ne voient pas d’un bon oeil l’idée de Luke de confier les clés de son immense propriété à des fermiers noirs. Heureusement, Luke peut compter sur l’aide (involontaire) des Dalton et celle (volontaire) du marshal adjoint Bass Reeves. Issu d’une famille d’esclaves, ce dernier est une véritable légende de l’Ouest, puisqu’on estime qu’il a arrêté plus de 3.000 hors-la-loi tout au long de sa carrière héroïque.


Décidément, le scénariste Jul aime emmener Lucky Luke sur des terrains inattendus depuis qu’ils a repris en main l’écriture des aventures du célèbre cow-boy créé par Morris. Après avoir évoqué la communauté juive dans "La Terre Promise" puis traversé l’Océan Atlantique dans "Un cow-boy à Paris", il ose aujourd’hui s’attaquer au sujet sensible de l’esclavage et de la ségrégation raciale, ce qui est une première dans un album de Lucky Luke. A priori, il semble impossible de rire d’un thème aussi dramatique. Heureusement, Jul parvient à trouver le ton juste dans "Un cow-boy dans le coton", qui s’avère être un album très réussi. Il faut dire que Jul et Achdé maîtrisent parfaitement les codes créés par Morris et Goscinny. Dans cette BD, on retrouve tous les éléments qui ont fait le succès de la série Lucky Luke: la bêtise des Dalton, les répliques qui font mouche, l’utilisation d’un véritable personnage historique grâce au rôle joué par Bass Reeves… Tout est là pour satisfaire les puristes. Sans oublier les dessins du vieux routier Achdé, qui sont parfaitement dans la lignée de ceux de Morris, à qui il adresse d’ailleurs un magnifique clin d’oeil à la page 32 de cet album. Mais ce qui est surtout intéressant dans "Un cow-boy dans le coton", c’est qu’il parvient également à insuffler un esprit plus moderne à la série. Car pour une fois, ce n’est pas Lucky Luke qui sauve la situation, tandis que les Dalton sont confrontés à des méchants encore plus méchants qu’eux. Et puis surtout, cet album colle totalement à l’actualité, puisque que le racisme reste plus que jamais une réalité dans l’Amérique de Trump… Au final, cela donne un cocktail gagnant pour Jul et Achdé, qui mixent à merveille tradition et modernité.


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matvano
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le 23 oct. 2020

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matvano

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D'autres avis sur Un cow-boy dans le coton - Les Aventures de Lucky Luke d'après Morris, tome 9

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