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Tu me ressembles, tu ne peux t'exprimer que par le sabre.

Ce tome est le cinquième d'une série au long cours, qu'il faut avoir commencée par le premier tome. Elle est écrite, dessinée et encrée par Takehiko Inoué. Au Japon, elle paraît en prépublication dans le magazine "Weekly morning" depuis 1998, en noir & blanc. En France, elle est publiée par les éditions Tonkam depuis 2001, en respectant le sens de lecture japonais, de droite à gauche.


Musashi vient de terrasser Frère Agon. Alors qu'il est encore sous le coup de l'effort fourni et légèrement blessé au cou, Toji Gion (élève du dojo Yoshioka, avant qu'il ne brûle) se place devant lui pour le défier au combat.


Toutefois cette confrontation n'a pas lieu, car Frère Inshun (un autre élève d'In'Ei, deuxième maître-abbé du Hozoin) intervient et défie Musashi au combat. 90% de ce volume sont dévolus à cette confrontation. Quelques pages sont également consacrées à Tojiro, le jeune protégé de Musashi, et à sa rencontre avec In'Ei.


Avec ce cinquième tome, Takohiko Inoué se mesure à l'épreuve narrative attendue depuis le début : un tome entier consacré à un unique combat. Cet auteur n'est pas le premier à réaliser un manga sur un samouraï et des combats au sabre, qu'il s'agisse de shonen, ou de seinen, y compris dans une veine réaliste. Son choix d'adapter l'œuvre d'Eiji Shokawa le démarque des autres mangakas dans la mesure où il a préféré une intrigue déjà connue du public, plutôt que de miser sur une histoire originale (par exemple, par comparaison avec Lone Wolf & Cub). Toutefois ce choix l'oblige à se montrer fidèle au roman, désamorçant tout suspense pour un lecteur familier de cette œuvre, et à être ambitieux parce que le thème principal dudit roman est le développement personnel, la recherche d'une forme de perfection dans son existence.


Au premier degré, le lecteur constate que Takehiko Inoué n'a d'autre choix que d'aligner tous les stéréotypes propres à ce genre de récit : postures de défiances, pensées intérieures des combattants, coups portés avec force, stratégie, blessure, adversaire imperturbable, esquives au dernier moment, traits de puissance pour accentuer les mouvements, etc. En cela, l'auteur ne se montre ni innovant, ni original. Il y a bel et bien 150 pages de combat, avec une large proportion consacrée à l'observation entre 2 coups portés.


Malgré tout, il ne s'en dégage pas une impression de déjà-vu, ou de routine. À nouveau, ce manga se distingue d'autres séries, par la qualité de ses dessins. Le lecteur apprécie toujours la qualité de la reconstitution historique. De séquence en séquence, il apprécie également la consistance des décors, sur lesquels l'auteur doit passer un temps fou.


Pour commencer, la représentation de la flore laisse la possibilité de contempler chaque fleur, la texture de l'écorce, ou encore la forme de chaque feuille, jusqu'à pouvoir en reconnaitre les essences. Pendant les mouvements des personnages, les arrière-plans ont tendance à être vierge pour que l'attention du lecteur se focalise sur les déplacements, la vivacité des coups, et des parades. Pendant le reste du temps, le dessinateur représente l'environnement, en particulier la nature, ce qui permet à la fois de se rappeler que ce temple Hozoin se trouve à l'écart, dans une grande clairière, et de s'imprégner du fait que cet affrontement se déroule à l'écart du monde, dans une petite société isolée, entièrement consacrée à l'art du combat à la lance.


Ensuite la représentation des bâtiments est somptueuse de bout en bout. Il peut s'agir des lattes de bois du plancher à la fin du chapitre 41, comme d'une vue plongeante sur la toiture (double page d'ouverture du chapitre 44, époustouflante). Ce soin rigoureux et méticuleux apporté à la flore et aux bâtis constitue un contrepoint à l'absence d'arrière-plan pendant les attaques et parades des combattants, qui évite de donner l'impression d'acteurs se déplaçant sur une scène de théâtre vide et plate.


Takehiko Inoué apporte le même soin à représenter les personnages. Le lecteur les identifie du premier coup d'œil, par la forme de leur visage, leur stature, leur tenue vestimentaire, leur morphologie. L'auteur dessine également les sandales de corde avec un soin maniaque. Les expressions des visages sonnent justes, à part peut-être pour le cas particulier de Frère Inshun. Ce dernier garde son calme en toute circonstance, avec es yeux grands ouverts, et une ébauche de sourire inaltérable. De prime abord cette façon d'être semble peu réaliste.


Au-delà de l'intrigue, le lecteur découvre donc une nouvelle étape dans l'éveil de Musashi. La narration souligne qu'il s'agit de l'apprentissage de la peur. À la lecture, il apparaît de manière sous-jacente qu'il s'agit de la confrontation entre un combattant misant sur sa force et sur sa vivacité (Musashi), contre un autre ayant bénéficié d'un solide apprentissage (Inshun, ce qui explique pour partie son impassibilité).


Ce thème (force brute contre savoir-faire appris et structuré) est un point de passage obligé pour le développement personnel de Musashi, pour accepter qu'il a des choses à apprendre. Étrangement pourtant, l'auteur ne consacre aucune page à l'apprentissage proprement dit, aux leçons, aux exercices, etc.


Ce tome constitue donc un point de passage obligé pour que Musashi prenne conscience qu'il a beaucoup de choses à apprendre. Mais les tomes précédents étaient déjà des points de passage obligés, or ils étaient traités avec plus de nuances et avec un regard plus pénétrant de la part de l'auteur. Ici la lecture reste divertissante et intelligente, mais un cran en dessous des tomes précédents, du fait du manque de mise en perspective de l'attitude des 2 combattants. Toutefois, Takehiko Inoué réussit à transmettre, avec force, 2 caractéristiques essentielles de ces combattants. La première réside dans le fait qu'ils expriment leur personnalité dans la manière dont ils se battent. Le lecteur le comprend quand Inshun s'adresse à Musashi pour lui dire : "Tu me ressembles, tu ne peux t'exprimer que par le sabre.". La deuxième caractéristique se trouve dans le fait qu'il s'agit de combats à mort. Inshun comme Musashi ressentent pleinement le fait de vivre quand ils mettent leur vie en jeu. L'art du sabre n'est plus alors une simple question de techniques et d'adresse, mais une nécessité vitale.

Presence
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le 10 juin 2019

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