Les “gilets jaunes” de Fátima !

Onze femmes en “gilets jaunes” qui marchent 400 km, pèlerinage à Fátima, pour accomplir une promesse, exprimer leur foi ou sauvegarder la tradition du "sacrifice"' pour leur rédemption... C'est le film de João Canijo, “11 fois Fátima”, présenté sur les écrans français.
Elles partent de Vinhais (dans le nord rural de Tras-os-Montes) vers Fátima, où tous les 13 du mois de mai une foule immense participe au grand rassemblement catholique en hommage aux trois petits bergers qui en 1917 auraient aperçu la Vierge toute de blanc vêtue!

Une sorte de Lourdes à l'échelle du Portugal... La même croyance, le même commerce et les mêmes dévots!

Elles sont neuf à marcher et deux (la grand-mère et sa petite-fille) qui conduisent le van et la remorque-couchette, préparent les repas, prêtent assistance. La vieille femme, Tia Isaura (excellente interprétation de Márcia Breia) qui organise depuis seize ans le pèlerinage y trouve son compte dans une sorte de tenancière-voyagiste!

Nous les prenons en route, si on peut le dire ainsi. Nous les voyons sur le chemin (surtout au bord des routes) et ne savons pas comment le groupe est né, à part qu'elles se connaissent, deux sont dans la même famille et une a été enseignante, on l'appelle “professora”, et une des pèlerines a été son élève. Elles viennent de Vinhais, c'est marqué au dos de leur gilet jaune, avec le logo d'Europcar.

Nous comprenons qu'il leur faut neuf jours pour atteindre leur but. Et onze femmes “enfermées” en pleine air et devant parcourir entre 50 et 60 km par jour, ont des choses à se dire, à se mesurer, à se jeter à la figure, à se rendre insupportables tout en partagent le même chemin, les mêmes ampoules, les mêmes soirées de soins plantaires et musculaires, la même espérance d'arriver en groupe, comme un groupe uni et fervent qui a accompli sa “mission”.

Est-ce la foi, la croyance, l'amitié? Peu importe et c'est la richesse de ce film, qui pourrait être un documentaire, ou de ce document filmé qui pourrait être une fiction. Au fond il est les deux. Il donne à voir et à entendre ce à quoi, dans la réalité un groupe de marcheuses de long cours, se confrontent dans un pèlerinage à pied comme si nous on était la ou le douzième du groupe. Il nous convie à apprécier comment un groupe de comédiennes s'approprie pour rendre si vraie leurs ressentis, leurs dialogues et leurs histoires qui éclatent au grand jour, dans un huit clos qui semble être une des caractéristiques du travail du réalisateur, peu connu en France et que je découvre.

La critique parle de longueurs, probablement, on peut toujours le vivre ainsi d'un film de deux heures et demi. Néanmoins il m'a semblé que ces accompagnements, plus individuels, de certaines marcheuses nous mettaient à leur rythme, dans leur tempo, presque dans leur respiration. J'ai trouvé que ces plans-séquences valorisaient la compréhension de l'effort, du corps qui marche et surtout nous permettait d'imaginer, presque d'échanger avec la pèlerine, en liberté.

Sortie au Portugal en 2017, lors de la visite du Pape à Fátima pour le centenaire du “mythe ou fait religieux”, ce film manifeste un très grand respect, sans jugement ni parti pris, pour ceux qui font le pèlerinage dans la croyance de leur acte (à pied mais aussi à genoux dans le Sanctuaire de Fátima) et en même temps ce qu'un groupe de femmes, sans échappatoire met en œuvre pour vivre ensemble.

Ce film m'a intéressé comme “marcheur laïque” que je suis. Davantage pour la découverte du parcours difficile au milieu de la circulation, et parfois beau, mais aussi par le phénomène que ce peuple nourrit depuis cent ans: le sacrifice, la douleur comme rédemption de leurs misères et de leurs péchés...

Une belle séquence où chacun se suit chantant une ode à leur village, Vinhais, qui glisse ensuite vers le chant de José Afonso, “Grândola, vila morena...” la chanson de la révolution des œillets, le 25 avril. Un clin d’œil pour concilier les deux, peut-être.
https://blogs.mediapart.fr/arthur-porto/blog/260619/les-gilets-jaunes-de-fatima