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Pour son premier film post-oscar, Danny Boyle, le casse-cou, opte pour l'adaptation d'un fait divers bigger than life au très (surement trop) évident potentiel dramatique. Étant donné que je ne prends pas mon lecteur pour moins bien informé que moi, je me dispenserais de sertir ce post de Spoiler Alerts bienveillants, le dénouement étant maintenant parfaitement connu de tous. Et allez, soyons honnêtes, vous allez même acheter votre ticket pour ça.
Donc oui, James Franco se coupe l'avant-bras à la fin du film.
C'est même un des nombreux défauts du film, nous n'attendons que ça, qu'il se déchire la bidoche. Le suspense du film ("le marketing m'a tuer" semble-t-il dire) n'est donc pas une question de "quoi" mais une question de "quand", interrogation vachement moins propice à l'épanouissement d'un intérêt cinématographique. Boyle pourrait ici développer un thème ("un quoi ?" demande-t-il), à peine esquissé en l'occurrence : la lente mais fatale prise de conscience du mec qui se ment à lui-même. Le suspense du film tourne autour de deux axes, passionnants vous allez voir : quand est-ce qu'Aron va se résoudre à boire sa propre urine ? quand est-ce qu'Aron va se déchirer la paluche ? Le voir aborder ces questions sur le ton de la simili-rigolade auprès de sa caméra/sidekick pour ensuite s'exécuter, poussé par l'instinct du survie, relève d'un assez bon niveau comique (involontaire), seule sucrerie que vous procurera ce film creux.
Abordons le style de Danny Boyle, peut-être un peu moins insupportable que d'habitude si on considère le passage du filtre jaune pisse (son grand classique) au orange pétant comme un progrès. Sinon, c'est gros plan du fond de la gourde, split-screens épileptiques et multicams foireux. On a connu plus sobre.
Mais le pire reste l'aspect racoleur du projet. Peu étonnant vu le CV du mec, bien entendu. Loin de moi l'idée de prêter des intentions sadiques à ce dernier, mais voir le personnage se débattre comme un dératé contre son rocher sur fond de soul-music n'est peut-être pas un choix de mise en scène des plus classes.
L'implication émotionnelle, c'est zéro, Boyle prenant le très contestable parti de ne jamais recourir à des flash-backs en tant que tels, leur préférant des transes hallucinatoires qui ne viennent certes pas perturber la fluidité du récit, mais qui ne permettent en aucun cas de faire d'Aron un personnage attachant, vivant, car quasiment "sans aucun contact avec l'extérieur" même avant de se retrouver coincé au milieu de nulle part. Au lieu de ça donc, on a droit à la réunion de tous ses proches (les américains appellent ça une intervention), à la représentation imaginée de son futur bambin, et bien sur, le fantasme du sauvetage miraculeux, appel d'air scénaristique bien pratique dans ce type de production à vocation claustrophobique option survival.
Pour ce qui est de la claustrophobie, d'ailleurs, le film fait passer Buried pour un bijou de tension hitchcockienne, tant Danny je-bouge-vite-pour-cacher-que-mon-film-est-merdique Boyle est incapable de coller à son sujet. La délivrance surviendra au terme d'une bien trop longue heure et demie, à l'orée d'une belle partie de Docteur Maboul, agrémentée des crissements aigus quand tu t'approches trop d'un nerf et tout et tout.
A mesure que le générique défilera, on réfléchira sur l'ironie voulant que Danny Boyle s'identifie à un personnage aussi casse-cou, désespérément enthousiaste et tristement inconscient. Personnage cristallisant son approche entière du média cinématographique.