Roméo et Juliette de William Shakespeare dans notre cadre bien contemporain et bien réaliste, sur fond d'opposition entre banlieue et quartier résidentiel ainsi que de différences culturelles. Voilà, pour résumer, ô combien grossièrement, ce qu'est le synopsis du film. Quitte à parler de littérature anglaise, cela n'est pas sans rappeler aussi l'articulation romanesque, si chère à Thomas Hardy, quand le scénario met bien en évidence qu'un fait d'une grande banalité, ne concernant directement qu'un nombre très restreint de personnages, peut avoir des conséquences tragiques cataclysmiques pour tous les protagonistes d'une intrigue.


Voilà, sans trop en dire, le contenu de 16 ans de Philippe Lioret, réalisateur mettant en scène, dans la plupart de ses films, avec plus ou moins de subtilité, avec plus ou moins de manichéisme, les problèmes sociaux de notre époque. Ici, il réussit à éviter les écueils de la lourdeur en n'essayant pas de travestir les réalités telles qu'elles existent. Tout au plus, on peut reprocher à l'ensemble de négliger la mère de famille du Roméo, de la fourrer au troisième plan alors qu'elle aurait pu être beaucoup plus creusée. Autant, ceci est justifiable pour la mère de la Juliette, pour les raisons que, dans son communautarisme, ses seuls droits sont de s'aplatir et de fermer sa gueule, autant pour l'autre, non.


Que dire autrement ? Ben, ils sont mignons tout plein ces deux lycéens qui s'aiment d'un amour sincère, mais contrarié. Leur romance, que les nombreux obstacles rencontrés ne font que renforcer, est présentée et développée d'une manière crédible et naturelle, admirablement aidée, par le jeu des deux jeunes interprètes principaux, en particulier Sabrina Levoye, qui, en plus d'insuffler de la vérité et de la sensibilité à son rôle, est charismatique, rayonnante et photogénique.


Ils sont, en outre, entourés par des professionnels solides. Nassim Lyes dégage avec brio et énergie toute l'explosion de rage brutale d'un être s'enlisant dans les emmerdes après avoir été victime d'une injustice. Arsène Mosca, que je n'avais croisé jusqu'ici que dans le registre comédie, m'a bluffé par sa justesse en incarnant un père qui a un peu trop tendance à vite se réfugier dans des réflexes idéologiques et religieux bien patriarcaux quand il est dépassé par les événements. Jean-Pierre Lorit est émouvant en homme, au début froid et détestable en tant que patron, qui perd ses moyens lorsque son petit monde s'effondre. Il faut reconnaître que Lioret sait ce qu'est la direction d'acteurs.


Ce drame moderne, sentant bon la barre HLM et l'hypermarché, est une belle preuve que Shakespeare est un auteur tellement universel, tellement intemporel, qu'il peut être adapté à toutes les époques, dans tous les pays, quand il est entre les mains de gens de talent.

Plume231
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le 4 janv. 2023

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Plume231

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