Ce film est sans doute le plus atypique qu'il m'ait été donné de voir. Difficile de livrer un sentiment clair car cette oeuvre ne l'est pas, et c'est ce qui fait sa force, tout du moins, c'est ce que je pense. Il y aura quelques spoilers donc je vous déconseille de poursuivre avant d'avoir vu le titre en question.

Ce film n'est clairement pas accessible et peut rebuter beaucoup de gens pour de nombreuses raisons comme le fait qu'il soit lent et que les effets spéciaux ont terriblement vieillis (tout est relatif, conférer commentaire). Cependant, on peut s'intéresser au caractère hypnotique du film de part sa structure. Ce film est tenu par un rythme lancinant qui peut avoir pour effet d'entrer en résonance avec le spectateur. Il est découpé en partie, chaque partie commence par une impulsion intrigante, qui est ensuite étendue, délayée, voir magnifiée, par une sous partie contemplative et à chaque fois que la parabole essouffle; un dialogue, un plan ou un élément perturbateur relance la machine. On peut y voir une forme de "lobotomie", (pardonnez moi ce terme péjoratif, je ne trouve pas d'adjectif mélioratif) pour mettre le spectateur en phase avec l'objet. Je pense que c'est une démarche artistique de la part de Kubrick pour conditionner son publique à aborder le film dans une forme de béatitude.

C'est encore un point qui peut rendre l'auditoire hermétique au film et à son discours. Après consultation de l'analyse de Rob Ager (que je vous recommande), on peut voir en ce film un lien entre le procédé artistique décrit ci dessus, et une des interprétations cartésiennes de Mr Ager. Voilà le résumé de son document.

Le monolyth est mesurable dans la scène de fin du film (tous les autres plans le montre sous différents angles, en perspective). Il mesure la taille d'un écran de cinéma. La scène sur la lune où les scientifiques apportent une sonde à portée du monolyth créé un larcen. On peut interpréter ceci comme une interférence entre le film qui s'enregistre lui même, et les enceintes de la salle de cinéma qui tentent de ressortir le son. La scène de fin montre le monolyth qui regarde le héros, puis le héros qui regarde le monolyth. Le spectateur regarde le film, et le spectateur regarde l'écran noir entre chaque acte. L'écran noir peut être le monolyth, celui qui fait la transition entre deux évolutions pour les personnages du film, celui qui fait la transition entre deux actes du film pour le spectateur. Fin de l'analyse de Rob Ager.

Le monolyth peut être vu comme le 4ème mur et le processus d'hypnose utilisé par Kubrick peut être vu comme un vortex. Quelque chose qui pousse le spectateur à être aspiré par le film, par l'écran, se laissant guider malgré l'absence d'intrigue claire et cohérente, véhiculée par le film. Les personnages du film sont eux aussi guidés "aveuglément" par le monolyth. Le monolyth est l'écran, notre fil conducteur, et le fil rouge, ou plutôt, l'écran noir qui ponctue chacune des grandes scènes. Le personnage de fin se rend compte qu'il est dans le film, les ellipses s'enchainent dans sa vie, aussi rapidement que les bonds dans le temps que nous faisons tout au long du film.

Voilà une interprétation de l'objet parmi tant d'autres, et c'est ce qui fait la force d'une oeuvre selon ma grille de lecture. L'important ce n'est pas l'objet, c'est comment on le voit, comment on peut le voir et comment d'autres l'ont vu. 2001 est une métaphore parfaite de ma vision de la vie, un prisme aux multiples faces et à la forme aussi changeante qu'instable. On ne pourra jamais voir la vie dans sa globalité, on ne pourra jamais comprendre la vie mais on ne cessera jamais de la regarder sous un angle nouveau au fur et à mesure des rencontres.
StandingFierce
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le 31 oct. 2013

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StandingFierce

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