Un phénomène visuel... et sonore. Le paradoxe idéal quand on sait que le silence du vide sidéral est pour ainsi dire... assourdissant. L'espèce humaine a beau perdurer, elle n'est guère maîtresse que de ce qu'elle produit. Ou presque. Des origines à l'au-delà, c'est tout un kaléidoscope de sensations qui s'offre à notre regard. Le sourire en coin, on constate que les primates sont prêts à tout pour sauver leur peau, et occasionnellement manger celle de leur prochain. Une métaphore comme une autre, de l'individu qui se crée une coquille invisible pour se protéger. Triste constat égoïste, remis en question par l'inconnu. Cet inconnu qui nous subjugue, nous terrorise, mais nous emporte telle une mer.
Le statisme revêt justement la robe de l'inconnu, impalpable, oppressant, mais terriblement silencieux. Kubrick l'exploite avec une virtuosité allant aux limites du supportable, nous dévoilant un talent de "disc-jockey" : la musique hypnotisante de György Ligeti en est le meilleur exemple, ainsi que l'Adagio du ballet "Gayane" de Khachaturian. Davantage que le ballet spatial sur le "Beau Danube bleu" qui a hélas pris un peu la poussière.
On en oublie un peu la performance un peu anonyme de Keir Dullea, mais le film est largement compensé par un choix majoritairement judicieux de la musique (aucune pièce originale), et des séquences traitées, caméra au poing, comme un documentaire. On ne sait pas où l'on va, ni même d'où on est partis. Le voyage est sans fin, immuable, et nous absorbe en son sein.
On a encore du mal à croire que ce film ait été réalisé en 1968... C'est l'offensive du Têt au Viêt-Nam, le monde étudiant bat le pavé, l'Amérique ne pensait vraiment pas qu'après le tragique accident d'Apollo 1, la huitième mission du même nom irait sur la Lune... un an plus tard.
Film visionnaire, époustouflant et inoubliable.