Le truc suicidaire. Donner suite à un film reconnu comme étant culte. Parce que, que l'on aime ou non 2001, on ne peut lui retirer son statut. Et tenter de faire une fameuse "sequel" à un long-métrage pareil, cela ressemble à du suicide professionnel. Mais non, pas pour Peter Hyams, assez coutumier de la mort dans son domaine de compétence puisque réalisateur notablement moyen, comme "Timecop" ou "la fin des temps". On peut au moins lui reconnaître ça : le mec est "ballsy". En matière littéraire, Arthur C. Clarke avait déjà donné suite à 2001, poussant même le vice jusqu'à lui offrir au total trois suites, que j'ai lu et dont je ne garde aucun souvenir, mais qui sont notoirement connu pour leur baisse progressive de qualité. Bon, là, forcément, je fais pas envie, mais on va tenter de motiver les troupes à tâter un peu de ce nouveau contact avec le divin monolithe.

On se trouve donc neuf ans après que Discovery ait cessé d'émettre, neuf ans après que Dave Bowman ait mis fin aux errements d'HAL avant son ultime rencontre avec le Monolithe. Depuis, la Terre n'a pas appris grand chose de plus sur l'étrange objet. Faut bien avouer qu'en plus d'en avoir un peu plus rien à braire, il y a autre chose qui occupe bien plus les nations : la guerre froide. Ah oui, ce futur d'hier place le monde au centre d'une guerre froide qui se prolongerait encore et encore, au point que toutes ces belles technologies glanées au fur et à mesure des années ne serviraient qu'à l'escalade de la tension. Le professeur Heywood Floyd (mais si, souvenez-vous, le monsieur du deuxième tronçon de 2001) a bien changé. Déjà, le comédien n'est plus le même et du coup, il se trouve un poil rajeuni. Mais en prime, de spécialiste spatial, il a été relégué au rang de professeur de seconde zone. Et pourtant, il nourrit encore le rêve de pouvoir remonter là-haut percer le secret de la mission Discovery une bonne fois pour toute. Du coup, il monte avec des russes une opération pour rejoindre Jupiter autour de laquelle le vaisseau est toujours en orbite. Et, pourquoi pas, rencontrer à nouveau ce maudit monolithe à l'origine de tout ?
Bon, preuve que Hyams y croyait un minimum : passé le petit descriptif qui vous résume vite fait bien fait le premier opus, il nous relance la musique incroyable qui venait marquer le début de 2001, ce crescendo surpuissant, mais l'accompagne d'une vue parfaitement terrienne, avec une entrée en matière assez rapide, puisque directement, deux personnages vont mettre en place l'intrigue, mais genre, très vite. Un bon petit dialogue bien pédagogique pour que personne ne se sente perdu. Finies les errances du premier opus, amorçant une pesanteur toute-puissante dans la perception du récit, Hyams, lui colle bien à l'intrigue. Ce n'est pas plus mal, puisque c'est plutôt assumé : à défaut d'avoir le talent de Kubrick pour s'exercer à l'expérience spatiale, le réalisateur de la seconde itération va plutôt dévoiler la suite de cette aventure inédite. Du coup, toi, spectateur, qui cherchait à prolonger la sensation étrange que tu avais eu durant 2001, entre méditation et contemplation, passe ton chemin, tu vas te heurter à une grosse déconfiture.
Alors après, ça ne veut pas dire que tout est à jeter, au contraire. Certaines séquences sont plutôt cool, comme par exemple, les premiers (nouveaux) pas à bord du Discovery, par exemple, avec la sortie dans l'espace, sont assez classes. Le grand malheur, c'est que le film repose bien plus que son prédécesseur sur ses effets spéciaux et malgré le rythme des séquences les plus intéressantes, on se retrouve quand même à regretter un peu l'évidence du coup de vieux. Les séquences dans l'espace veulent sans doute trop en montrer - et hop, se prennent de plein fouet le coup de l'effet spécial. Dommage, 2001 arrivait quand même bien à se faufiler entre les balles. Et puis, bon, le design du vaisseau russe est pas de toute beauté et tient plus d'Aliens que de la réalité. Heureusement, j'ai une sympathie quand même plutôt grande pour l'équipe américaine, Roy Scheider (le mec de SeaQuest !), John Lithgow et Bob Balaban. Tous les trois sont convaincants. Côté russe, on a Helen Mirren qui est plutôt chouette et quelques acteurs-qui-font-bien-russes et qui campent avec crédibilité leur rôle. De ce côté-là, ça va. On a même une petite apparition de Keir "Dave" Dullea qui reprend son rôle - même si ça tient plus du fanservice que de l'intérêt cinématographique.
Un autre problème, à trop s'appuyer sur le roman, c'est que l'histoire a quelque chose de frustrant. Vous souvenez-vous d'HAL ? Cette intelligence artificielle qui devenait rapidement meurtrière alors que l'équipe approchait de son but, Jupiter ? Eh bien, ici, on nous livre une explication de sa folie, là où l'on pouvait prétendre à un certain symbolisme par le passé, à une réflexion sur le rapport créateur-créature. Bon, ben tout ça, c'est fini. Un poil dommage. D'autant qu'en prime, le roman, lui, s'intégrait à une nouvelle saga, faisant presque office d'histoire de transition : de nouvelles questions étaient soulevées quant à la présence et aux intentions du Monolithe qui, cette fois, était réellement agissant (là où 2001 le présentait comme une forme statique et immobile, pour ne pas dire monolithique, quoi). Du coup, niveau réponse au mystère, on peut se la mettre derrière l'oreille.
Bon, à partir d'ici, ça va spoiler, alors fuyez à mon top. Top. Re-top au cas où. J'aimerai m'arrêter un peu sur le final. Dans le livre, bien que je ne m'en souvienne plus avec précision, je sais au moins qu'il m'avait laissé un goût étrange en bouche, quelque chose d'amer, en fait. Là, le film m'a rappelé cette impression et finalement, je me dis qu'elle est assez absurde et noire, cette fin. Ce monolithe qui montre sa toute-puissance une bonne fois pour toute, montrant qu'il est capable de détruire une planète et de créer librement de la vie, pour mettre fin à la Guerre Froide, c'est un peu étrange. Le côté presque humaniste du monolithe du premier volet, où il assumait une position d'étape de l'évolution, accompagnant l'homme vers une forme nouvelle de son existence, est laissé de côté au profit d'une imagerie plus proche du Dieu de l'Ancien Testament. "Foire encore une fois, mothafucka, et je te plombe". Et en prime, ça ne sera qu'une vague contrariété pour le monolithe, puisqu'il peut créer de la vie sur une autre planète. Ce qui laisserait entendre qu'il a très bien pu créer l'homme et s'en être dûment lassé.

Bon, du coup, je suis partagé. Entre le coup de vieux qui donne une teinte bien téléfilm à la production et le côté plutôt fidèle au matériel initial, déjà bien péchu dans le domaine de la hard science, il y a quand même de quoi manger. Hyams signe un film dont il n'a pas trop à rougir (enfin, pas à côté de Timecop, quoi) et nous, on se retrouve avec de quoi boulotter en attendant la future série télé apparemment commandée pour adapter 3001, roman qui finissait d'acheter l'intérêt pour le monolithe divin. Cool, non ? Ca sent encore la franchise qui se fait torpiller de l'intérieur, donc profitons qu'il reste ce deuxième film pour sauver les meubles !
0eil
6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Films vus ou revus en 2014

Créée

le 20 nov. 2014

Modifiée

le 20 nov. 2014

Critique lue 1.1K fois

2 j'aime

0eil

Écrit par

Critique lue 1.1K fois

2

D'autres avis sur 2010 : L'Année du premier contact

2010 : L'Année du premier contact
Libellool
7

L'ultime cadeau pour l'humanité

Cette suite trop peu connue de 2001 : L'Odyssée de l'espace est également une adaptation de l'un des romans de Arthur C. Clark, 2010 : Odyssée deux. Mais contrairement au chef-d'œuvre visionnaire...

le 30 juil. 2015

18 j'aime

4

2010 : L'Année du premier contact
Bavaria
3

Critique de 2010 : L'Année du premier contact par Mickaël Barbato

Le film a la bonne idée de vouloir s'affranchir du masterpiece intouchable de Kubrick, mais la façon de faire donne un gros handicap au film de Hyams. On passe d'un résumé de 2001 à une première...

le 30 juil. 2012

15 j'aime

1

2010 : L'Année du premier contact
JimBo_Lebowski
6

J'y crois pas, une suite de "2001" ... et c'est pas si dégueux

Avant de le découvrir récemment par hasard je ne connaissais pas du tout l'existence de ce film, adapté de "2010, Odyssée deux" de Arthur C. Clarke et réalisé par Peter Hyams en 1984. Suite direct de...

le 20 mai 2014

14 j'aime

4

Du même critique

Rusty James
0eil
9

Critique de Rusty James par 0eil

Après une longue discussion ayant pour thèmes les Parrains que je venais de découvrir et mon admiration pour le Mickey Rourke des années 80, magnifique dans Angel Heart, on me conseilla Rusty James,...

Par

le 3 févr. 2011

44 j'aime

1

Jurassic Park III
0eil
3

Script : ANIMAL EN ANIMATRONIQUE : "Allan ! Allan !"

Dans mon souvenir de ce film, il n'était, attention, "pas si mauvais". Cela qualifie les films qui ne sont pas bons, mais que je n'arrive pas à qualifier de mauvais tant ils jouent de la corde...

Par

le 23 déc. 2010

39 j'aime

7