Pourquoi n'ai-je pas aimé 300 ?
Cette question me taraude et, en même temps, m'ennuie. Voyez-vous, si je devais partir sur une île déserte avec un seul film, ce serait Watchmen. Tout, dans ce dernier, sent le travail passionné, la réflexion acide d'une société corrompue et guerrière, ou la seule once de bienveillance (le Hibou et son comparse, Rorschach) est rabaissé et envoyé en prison. Jusque dans sa fin magistrale, Watchmen maintenait une histoire passionnante couplée à une esthétique sublime, pour moi une des meilleures adaptations du style graphique si particulier de la BD sur grand écran.
J'adore Watchmen, vous l'avait compris. J'ai alors appris que Snyder avait adapté une autre BD, cette fois-ci écrite par Frank Miller (Batman : The Dark Knight Returns) et non Alan Moore. À l'instar de Watchmen, dont je n'avais pas lu la BD, je me décidais à mâter le fameux "300", dont Internet m'avait déjà fait l'éloge un paquet de fois.
Quelle déception. Je crois que regarder ce film fut clairement une des pires choses que j'aurais pu faire à une heure du mat, alors qu'il y avait cours le lendemain. Je voulais aller voir la suite, je n'y songe même plus un seul instant.
Alors pourquoi ? Pourquoi tant de haine ?
Commençons par le plus visible : L'esthétique et l'histoire. Pas grand-chose à dire sur cette dernière : Nous avons affaire à une adaptation d'une BD adaptant la fameuse bataille des Thermopyles, qui affole l’esprit des Hommes depuis août 481 avant Jésus-Christ. Plus particulièrement, le récit relate la résistance qu'imposa une armée de 300 hoplites, dirigés par Léonidas Ier, envers le roi Perse Xerxès Ier, venu conquérir la Grèce.
Maintenant, que nous raconte vraiment le film ?
Un roi, après avoir consulté les dieux, part (sans leur accord) avec 300 de ses meilleurs hommes arrêter l'armée gigantesque de Xerxès au seul endroit où il le peut : Le défilé des Thermopyles.
Ça a l'air cool, hein ? On attend une bataille dantesque, des morts par millions, des stratégies militaires de folies et des guerriers dont les muscles égalent l'intellect ?
Ha bah ça, si vous voulez des muscles vous allez être servis.
Le film (et j'en suis désolé pour l'armada de fans qu'il se trimballe) est d'une connerie phénoménale, une ode à la bêtise brute. Les personnages n'ont aucune substances, ils sont tous d'une platitude et d'une débilité rare :
[SPOILER]
Léonidas Ier est un chef dont le seul génie est de savoir lire une carte. Pour le reste, c'est un gros guerrier pas très fin, qui ne connait même pas parfaitement l'endroit où va se situer la bataille et fera sans doute l'une des pires conneries que puisse faire un chef de guerre : envoyer chier Ephialtes, le seul mec qui connait le point faible de sa stratégie. Qu'il le refuse parce qu'il ne correspond pas au type de stratégie militaire Spartiate, passe encore : mais qui, au monde, laisserait échapper le SEUL PUTAIN DE MEC qui connait le point faible de sa stratégie ? Au pire il l'enferme, au pire il le tue, au pire il le renvoi accompagné d'une escorte, MAIS IL NE LAISSE PAS PARTIR BON SANG !
Pour les autres personnages, difficile d'en dire plus tellement ils sont clichés et encore plus simple d'esprits que Léonidas. Sa femme est simplement ... sa femme, qui va essayer de faire voter l'envoi de l'armée Grecque en renfort de son mari en faisant confiance à un politique (relativement, elle accepte implicitement qu'il la viole pour qu'il aide son mari, c'est une preuve indéniable d'amour absolu pour Léonidas : Néanmoins, sachant le profond mépris et le caractère égoïste et jaloux de son violeur envers Léonidas, il fallait être con pour lui faire confiance), les Ephores sont des gros porcs violeurs de vierges, l'oracle ne sert à rien, les soldats spartiates sont ... des soldats spartiates, etc etc...
Je n'en ai pas finis avec le scénario, mais je vais plutôt enchaîner sur le second aspect que j'ai trouvé le plus raté, qui est paradoxalement celui qui a fait baver les foules : son aspect graphique.
C'est. Beaucoup. Trop. Appuyé.
Sérieusement, on dirait un clip musical de Woodkid qui dure 2 heures ! Tout est tellement stylisé (Zack Snyder lui-même avoue qu'un plan = un effet) que tout effet transcendant qu'il aurait pu apporter est réduit à néant : ça en devient moche !
Certes, ça donne un ton au film, ça justifie son côté fantastique et lui donne un cachet original. Mais là, et j'expose ici mon avis, le film en fait beaucoup, beaucoup trop et en devient indigeste. Pour chaque beau plan s'en enchaîne une centaine de moches, beaucoup trop lisses et stylisés pour qu'on y croie, avec des plans franchement ridicules par moment (l’arrivée de Xerxès par exemple).
Au fait voilà, on touche un des principaux problèmes du film : Il en fait tellement qu'on y croit pas une seconde. En adaptant une scène historique, Snyder prend le risque qu'on en connaisse la fin : on sait que les Spartiates vont mourir, c'est un fait. Est-ce que, pour autant, Snyder doit enlever absolument tout enjeu de son film ?
Sérieusement, qui a pris peur pour les Spartiates ? Qui s'est dit, à un moment, "Merde, ils peuvent mourir la " ? Dans le film, ce sont quasiment des demi-dieux, même quand une armée leur fonce dessus ils la repoussent, même quand une marée de flèches leur tombe sur la tronche aucun ne meurent !
Il faut attendre l'arrivée des Immortels pour en voir une poignée mordre la poussière. Une poignée de Spartiates qui meurent contre une armée entière d'élites perses ? Sérieusement ?
Encore contre des esclaves à peine entraînés, je veux bien. Mais c'est tout bonnement ridicule qu'il n'y en ai aucune contre les autres castes comme les lanceurs de bombes chelous ou les éléphants de guerre !
Un aspect qui renforce ce côté sans enjeu et (oserais-je ? ouais.) ridicule, ce sont les armées de Xerxès.
Tiens, je ne savais pas que Sauron lui avait prêté des Orcs et des trolls, tiens c'est marrant que ses troupes d'élites soient des zombies... Cette esthétique fantasque vient clairement plombée le film, lui apportant un ridicule renforcé par la tenue des Spartiates : Punaise, j'ai jamais vu des soldats partir au combat à poil, avec juste un casque (moche) et un calbute... De mon point de vue, j’ai trouvé le design global du film assez gauche, voir beauf. Xerxès est un transsexuel noir à l’égo aussi grand que sa bêtise, les armées perses sont des esclaves très cons qui regardent durant des plombes les spartiates avant d’attaquer, les simili-troll et autres éléphants/rhinocéros de guerre sont pathétiques d’invraisemblances : Bref, le film me fait penser à un Expendable avec trois fois le budget et deux fois moins d’ironie.
Nan sérieux Snyder, tu ne pouvais pas mettre un poil de réalisme dans ton nanar ?
Le réalisme, c'est vraiment ce qui lui manque, à ce 300. Je ne porte pas au pinacle la mode actuelle des adaptations réalistes à la Nolan, mais pour un film qui doit présenter un enjeu aussi fort (300 soldats contre plus de 50 000) il en faut un minimum. Il faut de la tension, il faut qu'on ait peur pour eux et qu'on comprenne qu’ils mènent une cause perdu.
[Méga-spoil de ouf] Dans ce film, le problème est que Snyder ne veut pas, justement, montrer une cause perdue ; Avant qu'Ephialtès (tiens tiens) ne trahisse (Putain le retournement de situation ! Le twist ! Je ne m'y attendais pas du tout !), les Spartiates sont montrés comme vainqueur presque par K.O : après tout, ils ne subissent que des pertes minimes.
Mais quand j'y pense vraiment, je crois que ce film ne s'adresse pas à moi. Je pense que ce film est un pur divertissement, quelque chose de totalement décomplexé pour tous publics, sans grande morale si ce n'est le courage de faire face. Je crois que l'esthétique baroque et l'armée du Mordor face aux Bodybuilders n'a pas pour objectif de me dire quelque chose, mais plutôt de me montrer des combats savamment chorégraphiés sur des ralentis superbes (En même temps, c'est du Snyder) et des panoramas grandiose (quand il y en a...).
Je ne suis pas un hipster. Je ne suis pas un féru de films d'auteurs hongrois sur la vie et la mort. Néanmoins, j'aime quand un film me propose, en sus d'un bon divertissement, une réflexion. Watchmen le faisait : Sous son esthétique ultra-violente et ses allures d'héroïsme, se cachait un cynisme profond sur la société américaine et sur la faiblesse des foules, un commentaire sur la faiblesse d'esprits des gens, manipulables et serviles.
300 lui, ne propose rien : Ce n'est qu'un clip musical sans musique, au scénario bancal et à l'esthétique ratée. Il n'y a pas de fond, simplement une belle affiche et quelques (trop) rares beaux plans, accompagnés de combats qui le sauvent du néant absolu.
Si vous aimez le divertissant débile et bourrin, foncez. Ce film n'est pas pour moi : Ce film est pour ceux qui ne cherchent que le fun, pas pour ceux qui cherchent un film.
