De l'Histoire? Comment ça?
De tous les films de 2014, 302 est un des films qui se moque le plus de son public. Et ce pour deux raisons.
La première est de niveau plus scénaristique, ce film est carrément incohérent et totalement sans enjeux. Un vague propos global sur le fait qu'il faut sauver Athènes qui est la mère de la démocratie américaine et c'est tout. On appelle les Spartiates qui font la teuf pour les karnéia et hop, on envoi la flotte et les hoplites, en avant pour du la dégomme de Perses par pack de 6. Ce qui fait que le film s'échoue sur son scénario, c'est qu'il cherche à donner des motivations à ses personnages auxquels ni les scénaristes, ni les personnages eux-mêmes semblent y croire. La romance entre Thémistocle et Artémise n'est que poudre aux yeux, prétexte à la scène clichée de milieu de film pour que le mâle adolescent puisse se rincer l’œil. Une autre raison de l'échec au point de vue histoire est son message politique. Comme je l'ai dit, l'allégorie de l'Amérique dans Athènes est carrément flagrante. Pourtant, en tant qu' américanophile, cela ne me dérange pas de voir du déballage patriotique pour l'Oncle Sam du moment que cela ne vient pas faire tâche d'huile. Ici, ce n'est pas le cas. On n'y croit pas une seconde, le décalage temporel est-il trop grand? Ou peut-être est-ce à cause que le mot "Démocratie" soit scandé dès la première phrase du film, pour bien faire comprendre au plus abruti des spectateurs qu'il va se manger presque l'équivalent d'une justification de l'intervention en Irak pendant 2 heures? Certes, les comics de Frank Miller sont très riches en propos politiques. Mais, il est impossible de penser que "Batman: année un" à été fait par Miller et porté au cinéma par Nolan sans se prendre le moindre discours pour le parti démocrate.
L'autre point que j'aborderai dans cette critique est une considération historique. Certes, vous allez me dire que je tire sur l'ambulance, mais, l'étudiant en Histoire qui écrit cette critique ne peut rester muet. Très simplement, les guerres médiques, comme une bonne partie des guerres de la Grèce antique, sont comme déjà pensées pour le cinéma. Du fait du petit nombre de batailles (pour la période que balaie le film en tout cas), elles peuvent toutes apparaître dans un film. Pour rajouter de la tension à l'histoire, les Spartiates étaient retenus aux karnéia, certes, mais beaucoup de cités ont pris parti pour les Perses pour en finir avec leurs cités voisines qu'ils méprisaient. Pour faire des raccourcis le film prétend qu'Athènes à défendu la démocratie, rien de plus faux, Athènes n'est devenue une démocratie qu'en 462 av.JC., soit après les guerres médiques. Tout simplement pour que les deux neurones du spectateur restent connectés le héros de Marathon au début du film est Thémistocle alors que cela devrait être Miltiade. Le premier est chef des démocrates et l'autre chef des oligarques. Un héros favorable à la dictature dans le contexte géopolitique actuel, c'est assez mal venu, surtout s'il défend une allégorie si prononcée. Le Fossoyeur de Films dénonçait la malhonnêteté des blockbusters qui font passer des notions judéo-chrétiennes dans des films qui n'ont rien à voir avec ça. Ici, c'est pareil, avec le démocratie. Un dernier point que j'aborderai est celui des hoplites. Vérifiez par vous-même mais, ce ne sont pas des ninjas, et ne portent pas en slip rouge ou bleu en fonction de la cité. Même tarif pour les bateaux, en passant Sparte n'avait pas de flotte à l'époque, elle n'en acquiert une qu'avec la guerre du Péloponnèse (en -413) et avec l'or que les PERSES leur ont prêté.
Voici ce qu'est 302. Un film bien emballé bien calibré pour un public large (celui avec des yeux). Poussant jusqu'au bout pour faire passer un propos assez vague qui ne rentre pas spécialement dans les cases dans lesquelles il devrait se trouver. Usant sans complexe de détours qui l'éloigne de la cohérence avec l'Histoire qui aurait pu, par la simplicité de ses événements, renforcer le film et surtout le scénario. Mais ici, comble d'acte manqué, le film fait le choix de s'en écarter le plus possible, emportant la vérité et l'intérêt de l'histoire au fond de la mer Égée... avec les épaves des trières de la flotte perse.