[Lisez cette critique en écoutant la bande-originale poétique de ce film, signée par le grand maître incontesté Gabriel Yared : https://www.youtube.com/watch?v=7EfSDLgYVvQ&spfreload=10 ]
Je l'avais vu, mais je n'avais jamais réussi à dépasser l'émotion pour pouvoir le critiquer. Alors ce soir, bien que je sache que cette critique ne sera jamais cinématographiquement objective, car l'émotion ressentie lors du visionnage faussera toujours mes propos, j'essaie de m'attaquer à 37°2 le matin : Jean-Jacques Beneix, Jean-Hugues Anglade et la superbe, tremblotante et hystérique Béatrice Dalle.
Le film est, tout d'abord, d'une beauté à couper le souffle : paysages grandioses de plages ou de montagnes, couleurs pastels (le rose et le bleu n'iront jamais mieux ensemble que dans les peintures de Betty et Zorg), utilisation du décor splendide, et surtout une beauté du cadre, de la composition : réussir à changer les angles, les axes, les prises de vue est si rare et si remarquable que l'audace de Beneix dans ce film en fait un bijou visuel.
L'histoire est universelle : Betty, Zorg, ils s'aiment, il fait chaud, il mange du chili, elle ne porte pas de culotte. Ce film raconte leur fresque amoureuse, des débuts passionnés et charnels (cette scène d'ouverture, cette jouissance qui prend au dépourvu et qui a dû en choquer plus d'un en 1986) à la fin, ce troisième acte triste, glauque et tragique. Ils ne pouvaient pas vivre ensemble, avec leur véranda pour baiser, à attendre sur le perron que la vessie de Betty soit trop pleine et que Zorg soit publié. Alors ils bougent. Ils peignent, mettent feu, tapent à la machine à écrire, boivent (beaucoup), fument (beaucoup) et baisent, sauvagement dans une sensualité palpable durant tout le film.
Une galerie de personnages secondaires qui fleurent bon les années 80, entre le couple sympa (Gérard Darmon !) et la famille au village (avec une Clémentine Célarié nymphomane), un Vincent Lindon tout jeune flic et un Dominique Besnehard client au restaurant. Mais ils sont éclipsés, et de loin, par le couple phare, le binôme du film : Betty (Béatrice Dalle, toute jeunette et toute fraîche dans son premier rôle) et Zorg (Jean-Hugues Anglade, mon acteur préféré de toute la bande de Subway). Elle est survoltée, tempêtueuse, complètement dingue, un peu gamine, une vraie Lolita, mais en même temps si attachante, avec son coeur en skaï mauve. Il est transpirant, nu et poilu, insouciant, écrivain, romantique et protecteur. Ils sont interprétés à la perfection, allant jusqu'à la transe, la folie et la dépression, et font valser leurs personnages d'une émotion à l'autre si rapidement que le spectateur en est complètement largué et transporté dans l'univers de ces deux personnages à la fin du film.
Entre ses répliques à la fois Nouvelle Vague et si actuelles, ses moments de joie intense que l'on voudrait prolonger encore longtemps et les peurs qui marquent le 3ème acte, ce film est une ôde à l'amour, aux couples qui ne peuvent qu'être de passage, aux poils, aux écrivains, aux bungalows peints à la main, aux maudits manèges et enfin au vent, au vent qu'entend Betty dans sa tête.
"Une fleur étrange, munie d'antennes translucides et d'un coeur en skaï mauve. "