J'aime Beineix parce qu'à une époque, il a fait parti de ces cinéastes français qui ont osé réintroduire dans leurs images une notion "d'esthétique". Depuis toujours le petit monde du cinoche hexagonale subsistait grâce aux perfusions régulières d'un appareil financier étatique ultra-présent et se devait donc, à fortiori (merci les Inconnus) de correspondre à un héritage forcément "intellectuel" (synonyme de chiant chez les bobo-intellos).
On en était arrivé au point où les Cahiers du Cinéma auraient exulté à la projection des images d'un coloscopie rectale, trouvant là matière (fécale) à être "boulversifier"...
Et arrivèrent Jeunet, Beineix, Besson et d'autres, qui chacun à leur manière apportèrent, à des scénarii ne rougissant pas de leur fonction de divertissement, une esthétique visuelle et sonore pour faire un cinéma plus sensoriel ("populaire" diront les méprisants). Ce recours à la dimension esthétique sera considéré comme une facilité, mais ce sera aussi l'avènement (le public est au rdv) d'un bref renouveau cinématographique au tournant des années 90.
Alors pourquoi ce 37°2 le matin se retrouve affligé d'une note aussi basse ? Car aussi doué que soit Beineix derrière sa caméra et sachant s'entourer de chefs lumière, son et monteur de talent, ce film de plus de trois heures semble longuet.
Quelques scènes dont l'utilité est discutables, appuient sans aucun intérêt les errances du couple Zorg/Betty ainsi que celle des seconds rôles qui gravitent autour d'eux. Ce qu'il aurait pu dire en une image, il ne cesse de vouloir le marteler. Sans que cela participe à une forme d'entassement narratif pour susciter l'écoeurement vicérale bénéfique au récit, non ça provoque juste un petit ennui poli qui vous fait jeter un coup d'oeil à votre montre.
Le 2e point qui pêche à l'écran, pas tant à l'image d'ailleurs, car elle évolue plutôt correctement devant la caméra, c'est la toute jeune Béatrice Dalle. Que ce soit son premier film fut certainement une gageure pour elle et pour toute l'équipe du film. Mais quelle calvaire de l'écouter et parfois même de guetter une expression identifiable dans son visage poupon. Elle récite son texte d'un ton d'automate. On croirait un élève récitant son poème d'une voix monocorde un lundi matin à 8h. Evidemment, ce défaut n'est pas constant, mais suffit à rendre seules supportables les scènes où elle se tait.
Mais Béatrice ne possède pas à elle seule la capacité de brouillonner un film de Beineix. Le scénario (tissé par le réalisateur à partir du livre de Djian) lui aussi porte sa part. Appuyant par son étalement d'un quotidien parfois sans inspiration, le déroulé narratif noie le lent basculement de Betty vers ce qu'on devrait considérer comme la "folie". Et ça ne fonctionne pas. On perd de vue la folie, elle déboule de manière artificielle pour introduire un final qui à pour seul intérêt de donner l'opportunité à Jean-Hugues Anglade (très daté années 80) de faire péter la perruque et le soutien gorge !
Film esthétique, bande son et photo très ajustée, ce long matin caniculaire, manque d'équilibre dans son casting et sa direction artistique. Il est sauvé par quelques moments de grâce qui rendent le voyage supportable, mais on reste à quai trop souvent pour des pannes de scénario ou de "sur-jeu" qui précédant l'émotion l'empêche de naître.
A vous de voir si vous avez 3h de votre vie à consacrer à ce film. Etant pour ma part assez insensible aux histoires qui m'exhortent à verser ma larmichette à grand renfort de mélo, il n'en reste pas moins que nombreux sont ceux qui classent ce film dans les meilleurs films français. Aurais-je un coeur de pierre ? Bon, on s'en fout.. ou presque !