Ce film est bien parti pour recevoir une pluie de récompenses aux Oscars. Pourtant on ne peut pas dire que c’est un film inoubliable ou un chef-d’œuvre, mais il a néanmoins deux atouts indéniables dans sa manche. D’abord son casting impeccable où chaque acteur donne le meilleur de lui-même dans des rôles pas forcément faciles de prime abord mais qu’on dirait écrits pour eux. A ce jeu, Sam Rockwell campe un bouseux raciste et limité de haute volée sans jamais rentrer dans la caricature. Il est aussi drôle et pathétique qu’inquiétant par sa bêtise. Mais celle qui vampirise l’écran dans ce qui sera certainement le second rôle d’une vie et d’une carrière, avec celui de « Fargo », c’est l’immense Frances McDormand. Jamais dans l’excès, elle trouve toujours la note juste entre émotion et humour grinçant quand elle débite des répliques qu’on n’imagine pas déclamées par quelqu’un d’autre qu’elle.
Ensuite, ce qui est parfaitement retranscrit dès lors que l’on gratte un petit peu, c’est la vraie nature de ce qui se cache derrière le vernis apparent d’un drame policier mâtiné de comédie. En l’occurrence on est clairement face à une chronique de l’Amérique profonde en proie à de vieux démons (racisme, violences policière, alcoolisme, défaut de culture, …) et à une peinture au vitriol d’américains plus ou moins rétrogrades. Une tranche de vie d’une certaine Amérique en quelque sorte. Grâce à ces différents niveaux de lecture, Martin McDonough rend donc son troisième film bien plus profond que les amusants mais moins marquants et définitifs polars teintés d’humour noir qu’étaient « Bons baisers de Bruges » et « 7 psychopathes ». Pourtant, même si l’on ressent la critique acerbe dans « 3 Billboards », il ne juge jamais ses personnages et évite tout manichéisme facile et finalement réducteur. Par ailleurs, son intrigue se suit avec plaisir et on apprécie son côté caustique et surtout le fait qu’on ne sait jamais vraiment où elle va nous emmener. Un délice d’écriture qui atteint tout de suite sa vitesse de croisière pour ne jamais le perdre jusqu’à la fin. Une fin que l’on pourra d’ailleurs trouver discutable, voire dispensable. Et si sa mise en scène ne brille par son originalité ou un esthétisme raffiné, elle est soignée comme il faut.
S’il y avait un plus gros reproche à faire à « 3 Billboards » il serait plus au niveau de l’humour à froid et/ou noir parsemé dans le long-métrage. Pour faire simple, il ne fonctionne que très rarement, tout juste esquisse-t-on un ou deux sourires de par la bêtise du personnage de Rockwell ou grâce à l’entrain de McDormand et quelques dialogues qui claquent, mais ce sont des passages tous vus dans la bande-annonce. Mais il faut avouer que la tonalité du film penche davantage vers le drame que vers l’humour. Et que, parfois, ces tentatives d’humour qu’on aime à assimiler aux frères Coen (qui ont redéfini un sous-genre de cinéma à eux seuls comme a pu le faire Tarantino par exemple) n’ont pas le même impact et parasitent peut-être un peu l’émotion véhiculée par le sujet grave du film. Si ce n’est donc ces problèmes de ruptures de ton qui coincent, on a devant nous une œuvre quelque peu impertinente et toujours perspicace. Une oeuvre travaillée dont la précision d’écriture et les péripéties vous enchantent durant deux heures. Pas le chef-d’œuvre attendu non plus mais un beau morceau de cinéma intelligent.
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