Drame Western héroïco-burlesque, sacrément ficelé, cynique, faussement lourdingue, délicat quand on ne s'y attend pas, en trois tableaux drapés de rouge et noir avec pots de géraniums et biche pas empaillée. Les fameux panneaux d'une vengeance drôlement tournée...
ça lorgne sec du côté des Frères Coen ; ça te brosse le portrait d'une certaine Amérique qui rencontre mon fantasme. J'ai donc beaucoup aimé, même si McDonagh semble hésiter entre la satire et l'empathie et qu'il nous laisse dans une douce impasse cruelle. Enfin, ça ne m'a pas gênée plus que ça, parce que tout est assez juste dans ce film, ni méchants, ni gentils, mais des personnages qui fonctionnent d'abord en boucle fermée sur des raisons personnelles et finissent par s'ouvrir aux raisons des autres. Sales bons bougres trop humains, dont l'arrachement à l'idiotie peut à la rigueur paraître invraisemblable. Le trio Frances McDormand- Sam Rockwell - Woody Harrelson est fabuleux.
Le pitch : comment l'impossible deuil de Mildred Hayes, mater dolorosa éreintée et très très en colère, met publiquement au défi le shérif Willoughby, lui-même éprouvé par la maladie, et secoue la petite bourgade d'Ebbing, Missouri.
Trois immenses panneaux publicitaires déglingués, abandonnés sur le bord de la route elle-même abandonnée aux paumés et aux dérangés à l'entrée d'Ebbing. C'est toujours par une longue route paumée qu'on entre dans le fantasme américain...
Le fond : tout tourne autour de la culpabilité et du sentiment d'injustice. Tout dit que la lutte, peu importe laquelle, est toujours perdue d'avance et que quand on a connu l'injustice, on est un in-justicier en puissance, femme à poigne, flic en bout de course ou adjoint taré.
The importance of being earnest : on passe de Flannery O'Connor à Oscar Wilde. Une Amérique vue par un anglais. Un film où l'ambiguïté et le politiquement incorrect l'emportent. A voir absolument.