Le reproche attendu, entendu et lu c'est que le réalisateur s'est tellement inspiré des frères Coen qu'il a poussé l'exercice de style a diriger Frances McDormand, madame Coen à la ville. Soit. De fait inspiration il y a et alors ? Il vaut mieux s'inspirer des frères Coen que des frères Hugues, des frères Jacques ou pire des frères Jourdain. Et il faut aussi l'admettre si l'inspiration existe elle puise sa source dans le meilleur du meilleur des Coen ! '3 Billboards' est un grand film traitant un sujet complexe déjà maintes fois abordé au cinoche : la perte d'un enfant. Et au-delà de la disparition, la vengeance, le pardon, le regard des autres, la cellule familiale survivante, le tout dans le microcosme d un patelin de province américain où tout le monde se connaît, s'apprécie, se déteste. Une petite ville où les ragots tiennent lieu de vérités. La mère, incarnée à la perfection par madame Coen (oscar amplement mérité pour cette actrice par trop discrète) en refusant d'abdiquer, elle va cristalliser la ville autour de sa cause de justice. Entre haine et solidarité, violence et moments de grâce. Au-delà d'un scénario implacable, la distribution frôle la perfection. D'une Frances McDormand encore et toujours impeccable, obstinée jusqu'à la radicalité (noter qu'elle n'a pas sombré dans la folie de la chirurgie esthétique qui rend actrices et acteurs du même âge à des statues de cire échappées de la mère Tusseau) à un Woody, tout en retenue et fragilité, ce qui change de son registre habituel, on notera l'interprétation hallucinée et hallucinatoire de Sam Rockwell, qui s'impose définitivement comme l'un des meilleurs acteurs US actuels (quelle honte qu'il soit autant sous employé quand on voit son talent et la concurrence faite de tristes acteurs justes bons à cachetonner... puit !). Je ne comprends définitivement qu'on puisse bouder son plaisir de visionner un film aussi sombre et lumineux à la fois, où la violence la plus sourde côtoie une poésie et un romantisme hustonien si souvent absent dans les productions US, une histoire emballante qui vous arrache des larmes et des rires avec un final si terriblement éblouissant que même les frères Coen ne l'auraient vu venir, ni même ne l'ont jamais filmé.