Malgré son succès critique et public aux États-Unis, il est vraiment dommage que le distributeur français n’ait pas eu le cran de sortir ce film en salles chez nous, lui promettant honteusement une relégation au rayon vidéo. Pourtant, plus qu’un film de baseball, « 42 » est avant tout un drame historique, sur une époque pas si lointaine où l’Amérique était encore gangrénée par la ségrégation.
C’est en effet après la Seconde Guerre mondiale que l’action du film prend place, pour nous raconter « l’histoire vraie d’une légende », comme l’indique si bien le sous-titre français, celle de Jackie Robinson, premier joueur Noir à intégrer la Ligue majeure de baseball, jusqu’ici réservée aux Blancs. Le long-métrage s’avère ainsi particulièrement violent verbalement, Robinson devant encaisser sans broncher un dégueulis quasi ininterrompu d’insultes racistes, sous peine de se faire exclure si jamais il osait répondre, ce qui condamnerait tout chance d’avancée sociale à court terme. Mais heureusement, à l’instar de l’homme le plus classe du monde, le train de ces injures roule sur le rail de son indifférence. Dans le rôle du célèbre numéro 42, le nouveau venu Chadwick Boseman déploie une belle présence et se montre très prometteur. On retrouve également Harrison Ford, étonnant dans un rôle de composition inhabituel pour lui, se glissant avec aisance derrière les lunettes, le nœud papillon et le cigare de Branch Rickey, courageux manager des Dodgers de Brooklyn, et bien décidé à faire bouger les lignes tout en cherchant à gagner plus d’argent. Le reste de la distribution compte la belle Nicole Beharie, découverte dans « Shame », en Mme Robinson, mais également Christopher Meloni, Lucas Black, Alan Tudyk ou John C. McGinley.
Le réalisateur Brian Helgeland fait donc un retour réussi 10 ans après l’échec intégral du « Purificateur », fort de son expérience de scénariste pour les plus grands, que ce soit Paul Greengrass, Ridley Scott, Tony Scott ou Clint Eastwood, dont on ressent ici l’influence (je pense à « Invictus »). Ce biopic, forcément un peu hagiographique, demeure de très belle facture, avec une photographie travaillée et un travail de reconstitution exemplaire, mais parvient à rester émouvant et humain, permettant au spectateur qui l’ignorerait de prendre pleinement conscience de l’importance qu’a pu avoir Jackie Robinson dans la reconnaissance des droits civiques pour les Noirs américains, au même titre que des héros tels que Rosa Parks ou Martin Luther King.