En 2003, 8 Mile m'avait mis une claque. L'ouverture du film avec en fond sonore Shook Ones part II de Mobb Deep, c'était magnifique avec cette basse qui claque dans la salle de cinéma, des frissons. 13 ans plus tard, cela fait toujours son effet, mais le film, un peu moins.


La scène d'introduction montre Jimmy Smith Jr (Eminem) devant un miroir, un casque sur les oreilles, entrain de répéter ses gammes dans des toilettes crasseuses. On frappe avec insistance à la porte, en lui demandant de sortir de là. Il est en stress et gerbe dans la cuvette des WC. Il sort enfin de cette pièce obscure et se dirige vers les backstage où un videur le stoppe. Un début d'embrouille démarre entre eux, mais Future (Mekhi Phifer) calme le jeu en se portant garant de Jimmy. Ce dernier doit se changer, vu qu'il s'est gerbé dessus et récupère ses fringues dans une ruelle sombre de Detroit. Il est à la rue, vient de se faire larguer par Jeanane (Taryn Manning) et doit retourner dans la salle où il est attendu pour une battle. Sur scène, il reste muet et se fait huer par le public, ça démarre mal....


Le décor est planté, ce sera un drame se déroulant au cœur d'une ville de Detroit en ruines où chacun tente de survivre par tout les moyens possibles. C'est surtout un récit semi-autobiographique sur Eminem dans son propre rôle et le premier biopic sur une star du hip-hop.


Le film est construit comme une success story. Eminem est la version moderne de Rocky Balboa, les battles sont des rings de boxe ou les punchlines remplacent les uppercuts. Son parcours est le même, un jeune homme bossant dans un secteur où le physique est mis à rude épreuve, alors que la paie est infime. C'est aussi un jeune blanc affrontant de jeunes noirs (Rocky affronte seulement Apollo Creed mais il est entouré par son crew), pour exister et démontrer son talent au mic. Il doit aussi composer avec sa mère (Kim Basinger) et son ami Greg Buehl (Michael Shannon). Son chemin est pavé d’embûches, mais si on croit en ses rêves, un jour, ils se réalisent. C'est le rêve américain, ce mythe sciemment entretenu par l'entertainment us et dont nous en sommes les victimes consentantes.


Grâce à la réalisation de Curtis Hanson, le film se détache des œuvres se déroulant sur fond de hip-hop. Il a voulu en faire un long-métrage réaliste, proche du documentaire, mais emprunte les rouages classique de ce genre de film. Cela reste politiquement correct, avec des scènes convenues, comme lorsque Eminem vient au secours d'une dame rappant sur leurs conditions de travail, prise pour cible par Xzibit, s'en prenant aussi à un employé gay. Eminem étant régulièrement accuser de misogynie et d'homophobie, il tente de modifier son image auprès du grand public et va même plus loin en se posant comme victime face aux femmes qui ne le respectent pas. Le cinéma adore enjoliver la réalité. Finalement, c'est un babtou fragile dont on ne sait qui est le père, avec une mère baisant avec un jeune homme de son âge en se perdant dans l'alcool. Il se fait aussi tabasser presque tout les jours et va puiser dans ses diverses souffrances, la force de remonter sur scène et de relever le défi face à une bande de jeunes hommes semblant plus à l'aise socialement.


La performance d'Eminem relève le niveau du film. Le pari était risqué, c'est avant tout un rappeur, mais il sait prendre la lumière et va nous bluffer. Il est bien entouré avec Mekhi Phifer, Omar Benson Miller (Ballers), Anthony Mackie dans le rôle de son adversaire, Michael Shannon, Brittany Murphy et Kim Basinger plus convaincante que dans sa précédente collaboration avec Curtis Hanson dans l'excellent L.A. Confidential. On note aussi la présence de rappeurs avec Xzibit, Proof et Obie Trice.
Mais ce sont lors des battles que l'on éprouve le plus de plaisir, qu'elles se passent sur scène ou dans un parking, c'est un régal. La bande originale est un autre de ses atouts. Elles ont lieu sur des instrus de Mobb Deep puis Onyx. Des sons âpres et rudes collant parfaitement au ton dramatique du film. On peut aussi entendre Outkast, Biggie, 2pac, The Pharcyde, Wu-Tang Clan, Method Man & Mary J. Blige et Ol' Dirty Bastard. C'est que du lourd et classique, sans oublier Eminem et son Lose Yourself.


Eminem se pose en Rocky Balboa de ce siècle, en lissant son image au sein d'une grosse production Universal. Il était au sommet de son art et avec ce film va confirmer sa domination sur le monde du hip-hop, avant que la nouvelle génération ne vienne le déloger avec Kendrick Lamar en leader. Le long-métrage va ouvrir une brèche et on va avoir droit à Get Rich or Die Tryin', Notorious et Straight Outta Compton, en attendant celui sur 2Pac.

easy2fly
7
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le 7 déc. 2016

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Laurent Doe

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