DO YOU KNOW THE DIFFERENCE BETWEEN PUNISHMENT AND LOUIS LA BROCANTE ?

Il est toujours très facile de s'en prendre aux réalisateurs les plus détestés de l'histoire du cinéma. De Ed Wood à Paul WS Anderson, en passant par John R. Leonetti ou encore Pitof, le 7ème Art ne l'a parfois été que de nom. Cependant, il devient parfois plus complexe d'analyser leur vacuité sans pour autant cracher sur le metteur en scène. De cette introduction, ne peut jaillir qu'un nom non cité ci-dessus : Joel Schumacher. Accusé, levez-vous.
De tous les « Masters of Error » présents dans le ciel hollywoodien, Schumacher est probablement celui qui a donné la sensation d'avoir perdu toute notion de cinéma après le massacre unanime du très maladroit -osons les formes- Batman & Robin. Dommage, car ses premières apparitions sur grand écran avaient de quoi être curieux de la suite de la carrière du bonhomme, après sa sympathique balade outre-tombe de L'Expérience Interdite, son très intéressant Chute Libre ou son excellent - AU DIABLE LES FORMES! - Génération Perdue. Après son admirable passage à tabac médiatique chez Warner, Schumacher revient avec un projet plus indépendant mais tout aussi intriguant : 8MM, écrit par le scénariste de Se7en Andrew Kevin Walker, et avec en tête d'affiche Nicolas Cage et Joaquin Phoenix. Adieu les décors cheap, les couleurs flashy, les bat-cartes de crédit et l'humour puéril, bonjour le glauque, le vice et la noirceur de l'âme. Ça a de la gueule ? Oh que oui.
Bon après, il est toujours nécessaire d'entretenir ladite gueule, sinon ça ressemble plus à une pissotière du métro parisien qu'un urinoir signé Marcel Duchamp. En effet, de son postulat intriguant au premier abord, sur la spirale infernale d'un détective privé en quête de vérité après le visionnage d'un snuff movie, il n'en reste... que ça. Aucune thématique ne semble jamais empruntée, le scénario est lisse à en mourir et l'ennui s'installe devant tant de caractérisations pas du tout creusées. Il est tout aussi dommageable d'avoir fait pour 8MM une ossature narrative déteinte sur le chef d'oeuvre de David Fincher cité dans le paragraphe précédent, car le rapport de l'homme à son enquête n'a pas pour but d'emprunter le même chemin que Mills et Sommerset face à John Doe. Dans Se7en, l'enquête se transforme en jeu du chat et de la souris, que l'antagoniste maîtrise quitte à mettre en péril son jeu. Chaque piste est une pièce de son propre puzzle. Dans le film de Joel Schumacher, les personnages méchants ne semblent jamais pervers ou diaboliques car chaque fait et geste résulte d'un acte stupide ou d'un coup de chance incroyable en faveur de nos héros ! En aucun cas les nemesis ne semblent avoir le contrôle, ce ne sont que des vagues pantins idiots sans aucun but concret.
Il y a aussi dans cette idée de thématiques non élaborées de véritables failles concernant la psychologie de notre personnage principal. D'un « *whodunit* » originel se fait alors un virage à 180 degrés vers le « *Vigilante Movie* » sans crier gare, comme si le film changeait une fois la révélation faite, alors que tout ceci n'a pas l'air de déranger tant que ça Nicolas Cage ni même le spectateur, car tout est expliqué en long, en large, et en travers précédemment dans le film. De plus, le manichéisme et le maniérisme de la mise en scène de Schumacher n'offrent aucune ambiguïté lors de scènes de visionnage de snuff-movies, films ambigus qui questionnent le réel du tournage. Il aurait été sympathique de voir Cage se perdre dans une intrigue tentaculaire reliant l'industrie des bas-fonds de la pornographie en compagnie d'un être déluré dont l'identité autant nominative que sexuelle reste tendancieuse. Ici, n'existe qu'un acheminement inverse des rouages de la production d'un film, de sa distribution à sa création, avec très peu de subversion car beaucoup trop moralisateur sur les images visionnées. Pourtant, il aurait été aussi génial d'établir de ces visionnages malsains la naissance d'une pulsion scopique, une idée de miroir sur la réalité et le réel, sur l'idée du fantasme et de son versant obscur, lui qui possède une vie bien rangée avec une femme qui l'aime et une fille qui s'appelle Cendrillon (Au rang des archétypes, cette vie de famille est parfaite). En lieu et place de ça, ne subsiste qu'un Cage errant entre deux genres cinématographiques balancés maladroitement par une écriture paresseuse, oscillant également entre tous les clichés du film policier, les répliques qui tuent pour faire cache-misère du style visuel et les caricatures stupides (Joaquin Phoenix, bon Dieu...) car pas traités; ainsi qu'une réalisation aussi impersonnelle que terriblement racoleuse et codifiée (il fait nuit, ça sent pas bon / il fait jour, sourions à la vie), qui n'arrive même pas à bien traiter l'obsession de Cage ne serait-ce que pour l'enquête -d'ailleurs, il continue l'enquête pour quoi ?. Caricatures et clichés que Schumacher détruira agréablement bien dans son dernier bon film, Phone Game.
Bref, 8MM, c'est pas bon, c'est mou, c'est fade, c'est lisse, c'est mignon et aucunement subversif. Mais cependant, il y a dans ce film un intérêt plus particulier à lui donner. Cet intérêt réside dans l'acteur interprétant Tom Welles. Cet acteur, c'est Nicolas Cage.
Et quoique vous disiez, Nicolas Cage est très souvent bon.
Nicolas Cage a du mal à sortir des carcans de la série B façonnée pour trois francs six sous lui servant à bien gagner sa vie malgré un amour toujours inconditionnel pour le jeu. Dans 8MM, Nicolas Cage prouve qu'il sait tout faire. Bien que le métrage n'arrive jamais à se façonner sa propre identité, l'acteur, lui, sait démultiplier les facettes de son personnage. Il arrive à porter un regard tendre, ou triste, puis enchaîner avec tous les regards de haine souhaités. De plus, le dernier quart-d'heure pose une vraie question : n'y a-t-il pas eu une envie soudaine pour Schumacher et Cage d'adapter The Punisher ? Cage déploie sa folie, son regard perçant et son sens aiguisé de la punchline dans une ébauche d'esthétique néo-noire – on était pas loin d'une réussite Joel, t'étais pas loin !, rappelant quelques œuvres traitant de la vie de Frank Castle et regrettant que les studios le préféraient à l'époque pour jouer Superman plutôt que le Justicier à la tête de mort.. Si tel était le but, eh bien c'est plutôt réussi de sa part ; et s'il n'y avait qu'une seule personne à sauver de ce gigantesque naufrage cinématographique, c'est bien ce cher Nic.
Maintenant, reviens au cinéma s'il te plaît. Dans *Snowden*, c'était trop court.
WuTzng
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le 19 avr. 2017

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WuTzng

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