Commençons par le pitch. Un grand chef de la mafia peu commode suspecte sa petite amie, d'une trentaine d'années sa cadette, d'avoir une liaison avec un autre homme. Il demande donc à son bras droit, le fidèle et efficace Sun Woo, de surveiller la jeune femme et de l'éliminer, purement et simplement, s'il la surprend en galante compagnie. Peu indifférent au charme délicat de la demoiselle, Sun Woo ne saura, cette fois-ci, honorer sa mission ; il ignore que cela entraînera des conséquences tout à fait démesurées... Voici donc le point de départ de ce qui pourrait être un énième film de vengeance venu d'Asie, mais que Kim Jee-woon transforme en un pur exercice de style jubilatoire, que je pourrais même qualifier de « jouissif » si ce mot n’était pas employé, en général, pour de mauvaises raisons. Une chose est sûre : A Bittersweet Life est, à mes yeux, l'un des tous meilleurs thrillers coréens de ces années 2000 où l’on en a vu tant débarquer en fanfare sur nos écrans, très souvent couverts de récompenses et accompagnés d'une solide réputation parfois déceptive.
Il faut d'abord voir avec quelle efficacité Kim Jee-woon réussit à planter le décor, en quelques secondes, en quelques traits. Dès la fin du générique d'ouverture, on y est ! On se retrouve immédiatement plongé au cœur d'une ambiance feutrée, dominée par des intimidations et une hiérarchie malsaines, qui paraîtra très familière aux amateurs de films de gangsters ; on suit de près les agissements d'un homme de main tout en élégance et en charisme, droit dans ses bottes, opérant avec classe et sans bavure. Tout le talent du cinéaste est de nous amener directement dans un cinéma dont on connaît parfaitement les codes, de le faire avec une telle maestria et une telle aisance que l’on a un seul réflexe : accepter d'être en terrain archiconnu pour mieux être embarqué dans cette histoire linéaire, montant progressivement en tension, qui sera le prétexte à un réjouissant enchaînement de morceaux de bravoure et de scènes joliment envoyées.
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Parmi les influences évidentes du Drive de Nicolas Winding Refn, on a souvent cité quelques titres plus ou moins cultes du polar moderne américain (Thief de Michael Mann, To Live and Die in LA de William Friedkin ou The Driver de Walter Hill…), mais plus rarement le film de Kim Jee-woon, référence pourtant ouvertement citée dans quelques interviews par le cinéaste danois. J'encouragerai donc les nombreux fans de Drive à lui donner une chance, ils ne pourront que l’apprécier. Le « driver » est une figure très proche de l'homme de main interprété par le beau Lee Byung-hun. Et si l'on a déjà pu se moquer du jeu apparemment fort limité de Ryan Gosling dans le film de NWR, il faut ici reconnaître au bellâtre asiatique une précision assez impressionnante et vraiment remarquable : dans un rôle certes un peu moins mutique que son homologue canadien, il livre une prestation très maîtrisée et dégage surtout une incroyable présence à l'écran. On a ainsi aucun mal à comprendre et à partager ses sentiments, et donc à accepter ce schéma revanchard que l'on ne connaît que trop bien. Afin de rassurer les anti-Drive, pour qui ce rapprochement serait rédhibitoire, je préciserais que cette vie aigre-douce est certainement moins vide, moins creuse émotionnellement, notamment grâce à ce que je viens d'évoquer ; sans parler du fait que les sublimes compositions de Yuhki Kuramoto planent à des années lumières de Kavinsky.
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