De la radicalité possible de la liberté.
Ce traitement bio-historique du moment où se sont développées les théories majeures de la psychologie a le mérite de poser une question assez essentielle qui sous-tend, philosophiquement, tout le mouvement thérapeutique : quel est son rapport à la norme ? Quel est l'objectif de la psychanalyse, ainsi que de la psychologie en général, à savoir le fait de connaître le "soi" (et par extension aujourd'hui les mécanismes de construction de celui-ci au niveau neuronal). S'agit-il de limiter nos souffrances ? D'être adapté socialement ? Ou, comme le suggèrent certaines voix, d'accéder à une sorte de liberté pour le patient ? Mais dans ce cas, que faire des patients désirant être inadaptés socialement ?
Figure centrale du récit, Jung est sans doute celui qui cristallise le mieux ces enjeux dans son parcours personnel : il est à la fois en tension entre son éthique professionnelle et son désir de liberté personnelle, et entre le besoin de consolider une science utile et l'envie de continuer à en élargir les limites (source du conflit avec Freud, dans le film). Il hésitera jusqu'au bout à savoir quoi réprimer parmi ses désirs. Cette question de la répression du désir est la forme concrète de la question de la liberté, qui se pose à la source de toute approche thérapeutique. Comment savoir ce qu'il faut réprimer ou assouvir ? Et donc : quelle est la norme ?
Vivre "fou" mais sans répression du désir ? Vivre "rationnellement" dans le contrôle de soi, par observation de l'éthique et d'après une idée de ce qu'est "une bonne société" ? Choisir au cas par cas comment violer ses propres règles et en observer d'autres ?
La partie la plus fascinante du film est peut-être celle-là, et de voir comment chaque personnage se positionne par rapport à ces questions, comment certains se déchargent de cette responsabilité en la mettant sur le dos des autres, ou comment, au contraire, ils en font une affaire strictement personnelle.
Cette tension entre liberté radicale et analyse de soi est intéressante et ressort assez subtilement du récit mis en scène ici.