Ce traitement bio-historique du moment où se sont développées les théories majeures de la psychologie a le mérite de poser une question assez essentielle qui sous-tend, philosophiquement, tout le mouvement thérapeutique : quel est son rapport à la norme ? Quel est l'objectif de la psychanalyse, ainsi que de la psychologie en général, à savoir le fait de connaître le "soi" (et par extension aujourd'hui les mécanismes de construction de celui-ci au niveau neuronal). S'agit-il de limiter nos souffrances ? D'être adapté socialement ? Ou, comme le suggèrent certaines voix, d'accéder à une sorte de liberté pour le patient ? Mais dans ce cas, que faire des patients désirant être inadaptés socialement ?

Figure centrale du récit, Jung est sans doute celui qui cristallise le mieux ces enjeux dans son parcours personnel : il est à la fois en tension entre son éthique professionnelle et son désir de liberté personnelle, et entre le besoin de consolider une science utile et l'envie de continuer à en élargir les limites (source du conflit avec Freud, dans le film). Il hésitera jusqu'au bout à savoir quoi réprimer parmi ses désirs. Cette question de la répression du désir est la forme concrète de la question de la liberté, qui se pose à la source de toute approche thérapeutique. Comment savoir ce qu'il faut réprimer ou assouvir ? Et donc : quelle est la norme ?

Vivre "fou" mais sans répression du désir ? Vivre "rationnellement" dans le contrôle de soi, par observation de l'éthique et d'après une idée de ce qu'est "une bonne société" ? Choisir au cas par cas comment violer ses propres règles et en observer d'autres ?

La partie la plus fascinante du film est peut-être celle-là, et de voir comment chaque personnage se positionne par rapport à ces questions, comment certains se déchargent de cette responsabilité en la mettant sur le dos des autres, ou comment, au contraire, ils en font une affaire strictement personnelle.

Cette tension entre liberté radicale et analyse de soi est intéressante et ressort assez subtilement du récit mis en scène ici.
IIILazarusIII
6
Écrit par

Créée

le 29 déc. 2011

Critique lue 284 fois

1 j'aime

IIILazarusIII

Écrit par

Critique lue 284 fois

1

D'autres avis sur A Dangerous Method

A Dangerous Method
Marvelll
5

Une psychanalyse superficielle

Après deux films, un excellent (A History of Violence) et un autre moindre mais tout du moins réussi (Les promesses de l'ombre), touchant de près l'univers des mafieux, David Cronenberg se tourne...

le 12 déc. 2011

41 j'aime

13

A Dangerous Method
Gothic
5

Pas étonnant que Keira fasse bander, même morte en scène après s'être cassée la figure...

Tout d'abord un petit mot afin de m'excuser pour ce titre quelque peu porté sur la chose. Mais s'agissant d'un Cronenberg, et connaissant un peu les thèmes récurrents de sa filmo, il fallait au moins...

le 23 janv. 2013

33 j'aime

12

A Dangerous Method
Jackal
7

Viennoiserie

De 1904 à 1912, l'histoire de la relation entre Carl Gustav Jung et l'une de ses patientes, Sabina Spielrein, hystérique et masochiste depuis l'enfance, et de leurs contacts avec Sigmund...

le 28 déc. 2011

30 j'aime

7

Du même critique

Forrest Gump
IIILazarusIII
9

Pas l'histoire d'un idiot, l'histoire d'un "surhomme".

Forrest Gump est pense-t-on souvent l'histoire d'un idiot, qui est le prétexte à revisiter l'histoire des U.S.A.. Son regard naïf est idéal pour nous permettre de revivre ces moments clés avec une...

le 10 déc. 2010

209 j'aime

16

Wall-E
IIILazarusIII
9

Un poème, un poème.

Mettre 9 à Wall-E ça me fait bizarre, mais quand je clique sur 8 je ressens comme un sentiment d'injustice. Les plus scrupuleux me pardonneront cet accès de générosité. Wall-E, je le vois comme un...

le 17 déc. 2010

102 j'aime

11

Hotline Miami
IIILazarusIII
9

Un délice pour philosophe.

Alors là faut pas déconner. Hotline Miami est énorme. É-no-rmeuh. C'est une expérience intraitable sur la représentation de la violence. Mais attention : bien qu'ils soient délicieux, je ne parle ni...

le 11 janv. 2013

89 j'aime

10