Death Note
Après la vie, l’amour, vient le deuil. Avec l’incroyable A Ghost Story, David Lowery tente de chercher cette petite étincelle d’humanité qui survit après notre mort, à travers la tristesse de...
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le 21 déc. 2017
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Un des plus grands problèmes que je rencontre avec un certain cinéma indépendant américain, c’est que c’est parfois de l’esbroufe, que j’essaie d’en avoir conscience, mais que je n’arrive pas à ne pas aimer ça.
Ce film pose une idée brillante : et si on racontait le deuil du côté du mort ? Une telle idée a bien sûr été beaucoup explorée par le cinéma d’horreur et son personnel zombifié, etc, et parfois très intelligemment ; mais il y a peu de films étiquetés « dramatiques » posent cette question si littéralement.
Ce film avait le potentiel d’un grand film : il avait de quoi réfléchir, avec son fantôme qui se traîne chez les vivants, et aller vers la philosophie, la métaphysique, poser des questions sur la vie, la mort, l’Univers, et tout le tintouin, à la manière de Tarkovski, par exemple.
Mais finalement, A Ghost story n’a pas grand-chose à dire sur son sujet ; le film ressemble à un brain-storming d’idées : il aligne un peu superficiellement les premières venues. Le fantôme s’inscrit dans une temporalité qui n’est pas celle des vivants ; le fantôme est malheureux, puis disparaît quand il trouve l’apaisement ; le fantôme fait l’expérience du « vanité des vanités, tout est vanité » de l’homme. Celles-ci sont moins déroutantes, déconcertantes que chouettes : la conception circulaire / simultanée du temps, un peu à la Interstellar, est plaisante, mais pas plus.
Ce film aurait en fait été un court métrage brillant : en une trentaine de minutes, il aurait réussi à suggérer tout ce qu’il avait à dire sans l’illustrer lourdement, car trop explicitement. Un tel film gagne à ne pas trop en dire, à rester mystérieux, impénétrable !
Car sur la longueur, on sent le remplissage pour parvenir à tenir péniblement son heure et demie… Le film finit par ressembler au mec lourd de la soirée, dont le speech sur le destin de l’Univers, etc. qui se veut vertigineux et angoissant se révèle naïf et convenu.
C’est en fait le « problème » du film : il veut moins réfléchir qu'impressionner. Dès lors, l’ensemble des choix narratifs et artistiques vont vers le tape-à-l’œil : le format carré très inhabituel du film, la séquence interminable du gâteau Rooney Mara en forme de gros morceau de bravoure, l’autre séquence très longue du discours du gars qui en fait trop…
L’ensemble du dispositif m’a semblé artificiel car trop ludique. J’aime les films joueurs, mais pas lorsqu’ils pratiquent le jeu pour le jeu ; et surtout quand le sujet se prête à de belles et grandes réflexions.
Car il s’agit ici de jouer, du début à la fin. En ce sens, le film est fidèle à son délire, à son idée brillante mais creuse…
Le résultat est sensationnel, spectaculaire, émouvant : il prend aux tripes, mais pas à l’esprit. Son efficacité est américaine : c’est à la fois un défaut et une qualité, il ravit les sens, mais pas l’esprit…
Ainsi, ce film m’a plu, hélas.
Et plus largement, ce film fait tout de mêmeplus de bien que de mal au cinéma américain. Il est volontairement formellement provocateur, à contre-courant de la production industrielle cinématographique ; sa radicalité formelle ne colle pas vraiment à son propos, finalement creux, mais c’est le propre de la provocation que de flirter avec le mauvais goût, d’aller un peu trop loin.
Mais si ce film peut permettre à l’industrie du cinéma de tenter davantage d’originalité, de se montrer plus novateur, ça sera déjà très bien.
Créée
le 22 déc. 2017
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6 j'aime
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