Les fantômes au cinéma [reconfiguration des paramètres]

Commencez à croire aux histoires de fantômes chers cinéphiles, vous-en vivez une! Avec ou sans effets visuels, visibles ou invisibles, les spectres, revenants, entités paranormales ou pirates maudits - selon le contexte bien choisi - traversent les âges dans le cinéma, et ce en prenant constamment le soin de se réinventer. Autant je tirais mon coup de gueule sur les tueurs en série des slasher-movies, très mauvais élèves depuis les quelques dernières années, autant les fantômes, eux, parviennent toujours à m'étonner.


Ce que je trouve néanmoins le plus étonnant en réalité, c'est que A Ghost story ne réinvente rien, sans pourtant être un échec. David Lowery, à la fois réalisateur et scénariste, travaille la figure du fantôme à partir de l'une de nos plus vieilles représentations mentales, celle des plus standardisées et caricaturales qu'il soit; le drap blanc et les deux petits trous au niveau des yeux. Pas de surprise, l'affiche en témoigne. Je trouve ça étonnant et intrigant, j'y mets donc les pieds sans tarder...


Verdict: A Ghost Story est une belle œuvre contemplative comptant l'histoire d'un fantôme méditatif et désespéré déambulant dans la maison de sa femme, veuve et désemparée. Une petite réussite qui s'est réalisée avec la modique somme de 100 000 USD. Ce très petit budget alloué à ce long-métrage, est évocateur du talent du cinéaste. Ce dernier atteste finalement que les techniques visuelles et sonores tributaires du cinéma de genre ne sont pas indispensables; techniques qui seront donc minimalistes dans l’œuvre. En guise de compensation, le cinéaste promet donc une mise en scène soignée et intelligente, notamment dans sa manière de représenter le saut spatio-temporel.


Attention chers cinéphiles, A Ghost story en ai rien d'un film d'horreur, mais se permet de s'approprier le genre dramatique comme avait su le faire habilement Les Autres (2001). Dans le même principe, le cinéaste reconfigure le fantôme, en le définissant comme le protagoniste, victime malgré-lui de son propre sors. Le cinéaste en vient même à emprunter de nombreux codes cinématographiques et s'en sert pour proposer une mise en scène subjective, redéfinissant intrinsèquement la vision du revenant. Des scènes nous serons familières, mais cette-fois elles seront au service de la mélancolie et de la miséricorde, plutôt que de la peur et de l'angoisse.
L’œuvre montre que, bien plus qu'une simple manifestation surnaturelle démoniaque énigmatique, le fantôme peut, bien avoir de nombreuses raisons à hanter des lieux. Certes, A Ghost story n'est pas le premier du genre a révéler cela, néanmoins il propose une vision intimiste et empathique. Plutôt brillant!


L’œuvre révèle toute la frustration monstrueuse dont est victime notre cher fantôme. De longs plans séquences préfigurent tout au long du long-métrage, révélant subtilement le véritable ennemi de l'histoire; le temps. Quoique la limite entre le "contemplatif" et l'ennuie sera particulièrement mince à certains moments. Aussi simpliste que cela puisse paraître, les brusques changements de plans fixes représentant le saut dans le temps sont fort ingénieux, invoquant in facto, le choc émotionnel qu'il est possible d'avoir face à ce genre de situation.
Réflexion à part, je me suis demandé pourquoi représenter le fantôme sous sa forme la plus caricaturale? En plus de cette idée de reconfigurer le genre, le choix du drap est doublement méritoire. D'une part parce qu'il permet finalement à nous tous de nous identifier en tant que "revenant". D'autre part, parce qu'il permet judicieusement d'orienter le regard du spectateur vers l'environnement du fantôme plutôt que vers lui-même. Bien évidemment ce qui importe, c'est ce que le fantôme observera, c'est ainsi que l’œuvre se veut contemplative. Puis, le fantôme n'est pas Patrick Swayze, il ne déboulera pas sous la forme d'un spectre lumineux pour donner un tendre baiser à sa femme à la fin, au risque d'en décevoir certain. Toutefois, à noter que le fantôme paraît paradoxalement bien expressif!


Et pourtant, 6/10 me diriez-vous? Peu récompensé pour autant de louanges. En réalité, je suis déçu quant à quelques éléments de l'histoire; les émotions et états de deuil de la veuve sont extrêmement minimalistes et cela en dépeint sur la force émotionnelle de l’œuvre, dans son ensemble. La première réorientation temporelle est trop brusque, on reste tout de même sur sa faim pour une partie de l'intrigue que je jugeais essentielle. En tout cas, selon moi ce n'est pas le fait de bouffer une tarte pendant 5 min qui renforcera l'intensité dramatique de l’œuvre. Mais bon, c'est bien là que le cinéaste a décider de prendre des risques. J'apprécie en soit, mais j'aurais repenser le dosage de quelques plans interminables tout de même.


Bonne découverte de l'année 2017 néanmoins! A mettre en avant avec It Follows.

Jordan_Michael
6
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le 14 janv. 2018

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