Kitano fait parti de ces cinéastes capables d'une poésie filmique des plus envoûtantes, surtout lorsqu'il se double à Joe Hisaishi pour la bande son. A Scene at the Sea en témoigne en se rangeant parmi ces films éthérés qui se glissent dans les replis de nos souvenirs cinématographiques pour mieux nous hanter. Tout cela dans une simplicité formelle qui embrasse au plus près les émotions de ses personnages principaux : un surfeur en herbe et sa compagne sourds et muets.


Mais qui dit émotions des personnages ne veut pas dire ici explosions de rires ou de larmes dans un flot de péripéties découpant le récit. Non, Kitano semble chercher avant tout une harmonie dans son histoire qui se traduit visuellement par la continuité grisâtre et bleuie des bords de mers qu'arpentent les deux âmes sans paroles, tenant chacune une extrémité de la planche de surf. Attention, tout n'est pas morose, même si c'est peut-être l'une des sensations développées ici par Kitano. A ce spleen quotidien Kitano oppose les couleurs (combinaisons, tenues, années 90 et ambiance rider obligent) et l'humour de répétition. Le mariage du spleen diffus avec ces petites touches pétillantes se matérialise parfaitement dans la musique enivrante de Joe Hisaishi.


A la fin, le récit prend une tournure inattendue que j'ai, sans la dévoilée, acceptée tout autant qu'un des personnages, comme si les images avaient préparé le spectateur à la tournure des évènements bien plus que de ne vouloir le rendre amer. Cette fin permet à Kitano d'user, comme dans Kikujiro, de l'image du pont qui est traversé par un personnage pour aller vers un autre (dans deux sens très différents dans les deux films tout de même). S'en suit une séquence permettant de revivre et même de vivre pour la première fois des évènements qui avaient eu lieu dans le film. En voyant le film faire son introspection, on constate la nostalgie qu'il a provoqué en nous en seulement 1h30 et cela permet aussi de poser un regard de côté sur les personnages, notamment celui de la compagne sourde et muette qui explose de vie aux côtés de son compagnon réservé.


Sans remous ni ressacs Kitano livre avec A Scene at the sea un film hautement poétique ne manquant pas de sous-textes tant sur le lien amoureux que sur la vie mais aussi sur la communauté qui nous entoure.

-Thomas-
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Ces films qui traînent sur mon étagère et Les meilleurs films asiatiques

Créée

le 8 sept. 2019

Critique lue 177 fois

5 j'aime

Vagabond

Écrit par

Critique lue 177 fois

5

D'autres avis sur A Scene at the Sea

A Scene at the Sea
SanFelice
8

Somewhere beyond the sea...

Shigeru est éboueur. Il est aussi sourd-muet. Un jour, pendant son travail, il voit une plan de surf cassée et la prend pour lui. Jusque là, Shigeru contemplait la mer. Maintenant, il va tenter d'y...

le 19 août 2019

49 j'aime

11

A Scene at the Sea
Ze_Big_Nowhere
7

Obsession

c'est une histoire d'obsession. Shigeru est éboueur. Shigeru est sourd-muet. Shigeru ramasse les ordures de ses compatriotes, tout les matins. Shigeru est amoureux aussi. Il aime Takako, sourde...

le 19 janv. 2014

45 j'aime

25

A Scene at the Sea
khms
8

Critique de A Scene at the Sea par khms

Après s'être fait une petite renommée de réalisateur, notamment avec Violent Cop, Kitano nous emmène plus loin dans son univers, avec un film bien plus contemplatif, où on prend le temps de regarder...

Par

le 17 févr. 2012

19 j'aime

6

Du même critique

Spider-Man: No Way Home
-Thomas-
1

#BalanceTonSpiderCochon

(Attention aux spoilers éhontés) Douloureux d’un marketing enclin à jouer les précieuses ridicules (au point de livrer des affiches pleines de trous censées garder le secret de soi-disant orgasmes...

le 16 déc. 2021

48 j'aime

38

Nomadland
-Thomas-
8

L'Empire de la solitude

"No, I'm not homeless, I'm just... houseless, not the same thing, right ?" - Fern Chloé Zhao, d’origine chinoise et vivant aux Etats-Unis, signe avec Nomadland un film d’une ambition cachetée...

le 1 janv. 2021

35 j'aime

5

John Wick - Parabellum
-Thomas-
9

30 millions d'ennemis

Parabellum commence là où le deuxième volet finissait. John Wick est épuisé, tailladé de partout, mais il doit combattre une armée d'assassins dont chacun espère bien décrocher les 14 millions de...

le 18 mai 2019

32 j'aime

4