Voilà une figure, que ce Godard, bien emblématique de la Nouvelle Vague, cette révolte institutionnelle qui a dé-révolutionné le cinéma, puisque dorénavant le cadre, la rigueur, tout ça, n'a plus d'importance.
En soi pourquoi pas, sauf quand cela est fait n'importe comment ou juste pour appliquer des théories bateaux (ou bâtardes), le résultat ne peut qu'être lamentable.
Ici, ce côté destructuré avec des "jump cut", cette caméra portée à l'épaule, la gestion "aléatoire" du jeu d'acteur, cette gestion de l'espace à la fois rigoureuse (un travelling circulaire poussé par Jean autour d'un pilier) et hachée (des téléportations régulières des personnages au cours d'un même dialogue) à la fois en rajoutant un peu dans ces effets de style quasi permanent, à la limite de l'expérimental, fonctionne plutôt assez bien.
Ce qui, d'une certaine manière, permet de ne pas trop s'ennuyer, parce que malheureusement le scénario tombe rapidement dans la vacuité typique de Godard: pseudos-réflexions philosophiques lourdingues, propos vain ou mal exprimé, "histoire" étirée en longueur...
Alors on suit, fasciné par ses plans et ce montage foutraque. Même, l'histoire aurait pu être intéressante si elle avait été un peu plus développée. Ne serait-ce que le meurtre au début me semble mal branlé - Qu'est-ce qui justifie que Belmondo tire sur le flic ? On va dire que c'était pour lancer le film, peu importe la raison... Heureusement, nous évitons le côté pipi-caca-prout que "l'artiste", touché par un gâtisme précoce, étalera de plus en plus souvent dans ses films suivants.
En l'état, celui-là fait trop "film de démonstration", d'une personne qui marque son territoire dans le domaine technique, fascinant, mais qui n'a, en fait, pas grand chose à dire.